Le Musée Jacquemart-André présente les chefs-d’œuvre d’une époque encore mal connue de l’Égypte des pharaons.
PARIS - Les Kouchites, les Perses ou les Lagides : le dernier millénaire de l’Égypte pharaonique a connu une succession d’invasions extérieures, entrecoupées de reconquêtes indigènes (les dynasties tanites et saïtes), avant que l’Égypte ne devienne le grenier à blé de l’Empire romain au premier siècle de notre ère. Ces troubles politiques ont concouru à la relative méconnaissance de l’art pharaonique qui perdure et se diversifie durant cette période, un art éclipsé également par l’ombre des Ramsès, Thoutmosis et Toutankhamon, des prédécesseurs illustres.
Au Musée Jacquemart-André, Olivier Perdu, égyptologue attaché à la chaire de Civilisation pharaonique du Collège de France et spécialiste de l’Égypte tardive, redonne ses lettres de noblesse à une production peu souvent mise en lumière : « il ne s’agissait pas d’évoquer l’évolution artistique, avec cent vingt œuvres, c’était impossible ! Nous avons préféré jeter des coups de projecteur sur les aspects saillants de cette production : la qualité, la diversité et l’originalité », explique l’égyptologue. Présenter des objets d’une rare qualité pour faire connaître aux visiteurs une période mal connue : l’objectif de l’exposition est largement atteint.
Le parcours thématique débute sur une vidéo introductive particulièrement bien conçue, fait assez rare pour être signalé. La médiation, bien maîtrisée, est assez simple et claire, tournée vers un public peu au fait de la complexité politique de la période.
Des trésors marqués par le raffinement et la virtuosité
Le monde des vivants se fait représenter à l’intérieur des temples, reprenant les canons millénaires de l’art égyptien qui atteint une perfection technique sans précédent. Dans les salons de Jacquemart-André, les trois statues agenouillées de Nakhthorheb, réunies pour l’occasion grâce aux prêts du Louvre du British Museum et d’une collection particulière, montrent une finesse d’exécution pour l’effigie d’un administrateur du palais de Psammétique II (XXVIe dynastie) qu’un pharaon n’aurait pas reniée. L’époque est florissante, dans l’économie comme dans la culture, et la statuaire des prêtres et des grands personnages d’État se multiplie. Chef-d’œuvre du musée de Berlin, la « Tête verte » est sans doute la plus aboutie dans la représentation des traits grâce à un réalisme très poussé. Le personnage présente les marques du temps : rides du lion, affaissement des paupières, poches sous les yeux. Le poli de la grauwacke, cette pierre verte assimilée à tort à du schiste, participe à l’effet spectaculaire d’une œuvre exécutée durant la période lagide, lorsque les successeurs d’Alexandre Le Grand règnent sur l’Égypte. L’art pharaonique de cette époque se mêle aux exigences de réalisme importé de l’art hellénistique.
Trois salles de l’exposition sont dévolues au domaine funéraire, présentant le matériel retrouvé dans les tombes, marqué par la permanence des pratiques et des motifs. Vases canopes, papyrii, ouschebtis, tables d’offrandes et cercueils témoignent là encore de l’exceptionnelle qualité d’exécution de ces époques tardives. Les papyrii funéraires deviennent de plus en plus imagés. Le Papyrus de Khonsoumès, dont la juxtaposition des vignettes, pour la plupart extraites du Livre des Morts, en est la parfaite illustration.
L’image des rois, elle aussi très codifiée, demeure conventionnelle et véhicule l’idée d’une permanence politique du pharaon, surtout lorsque celui-ci est issu d’une lignée extérieure à l’Égypte. Si les rois Kouchites sont facilement reconnaissables à leur bonnet surmonté du double uraeus (double cobra), symbole royal, d’autres souverains préférent se fondre dans l’iconographie classique de la représentation pharaonique, s’inscrivant dans la tradition du pouvoir.
Enfin, l’univers des dieux voit la prédominance d’Osiris dans les représentations tardives. Mais le panthéon ne se réduit pas qu’à cette figure tutélaire. Les divinités locales jouissent d’une dévotion renouvelée. Le luxe et la diversité des matériaux de leurs représentations, le plus souvent sous leur forme animale, traduisent là encore la remarquable vitalité d’un crépuscule enflammé.
- Commissariat général : Olivier Perdu, égyptologue attaché à la chaire de Civilisation pharaonique du Collège de France
- Nombre d’œuvres : 121
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Le crépuscule flamboyant de l’Égypte
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Abonnez-vous dès 1 €LE CRÉPUSCULE DES PHARAONS CHEFS-D’ŒUVRE DES DERNIÈRES DYNASTIES ÉGYPTIENNES, jusqu’au 23 juillet, Musée Jacquemart-André, Institut de France, 158 bd Haussmann, 75008 Paris. Tél : 01 45 62 11 59, www.musee-jacquemart-andre.com, tlj 10h-18h, lundi et samedi jusqu’à 21h. Catalogue co-éd. Culturespaces/Fonds Mercator, 240 p., 39 euros, ISBN 978-90-6153-538-6
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°370 du 25 mai 2012, avec le titre suivant : Le crépuscule flamboyant de l’Égypte