L’histoire des bronzes français a longtemps été négligée. Le Musée du Louvre vient réparer cet oubli en s’appuyant sur le travail d’un groupe d’études international
PARIS. Si l’histoire de la sculpture française est bien étudiée, tel n’est pas le cas des productions en bronze, éclipsées de longue date par les créations italiennes et nordiques. La dernière exposition sur le sujet remontait à 1968 : elle avait eu lieu à New York, à la galerie Knoedler. Le Musée du Louvre répare aujourd’hui cet affront fait au talent des sculpteurs français en proposant une grande exposition réunissant près de cent cinquante œuvres, datées du XVIe au XVIIIe siècle. Cette présentation est le fruit d’un important travail collectif mené par le Groupe international d’études sur le bronze français, créé en 2000 à l’initiative de conservateurs allemands et anglais. Ces scientifiques ont arpenté les musées du monde afin de repérer et étudier ces multiples bronzes, constatant au passage que la plupart de ces sculptures n’étaient souvent qu’en laiton – un alliage de cuivre –, le bronze n’étant utilisé que de manière occasionnelle. L’épais catalogue de l’exposition constitue donc une précieuse référence sur le sujet.
Un art de la Renaissance
Présentées par séquences chronologiques, les œuvres débordent heureusement le cadre de la triste salle d’exposition de l’aile Richelieu. Repérables grâce à la scénographie, elles sont en partie disséminées dans les salles de sculpture française. La plupart des bronzes bénéficient ainsi d’un éclairage naturel qui permet d’en apprécier toutes les subtilités tactiles. L’art du bronze fait son entrée dans la sculpture française à la Renaissance, grâce aux artistes italiens invités à la cour de Fontainebleau par François Ier. Chargé de mouler des antiques du Vatican pour le roi, Primatice en exécute plusieurs fontes, dont la célèbre Vénus du Belvédère (1542-1543, Musée du Louvre), qui deviendra une référence pour les artistes n’ayant pas séjourné à Rome. Tous les grands sculpteurs de la Renaissance adoptent alors le matériau, de Ponce Jacquio à Barthélemy Prieur, qui introduisent la statuette laïque avec des sujets parfois déconcertants. Germain Pilon et Jean Goujon exploitent pour leur part la noblesse du matériau dans les monuments funéraires. Dès le XVIIe siècle, le bronze s’impose dans le domaine du portrait, notamment grâce à la diffusion de l’image royale. Malgré les fontes révolutionnaires, ces monuments demeurent bien connus, mais l’exposition permet de redécouvrir quelques œuvres plus rares, telles la réduction et l’esquisse en terre du Louis XIV écrasant la Fronde (1653) créé par Gilles Guérin pour l’Hôtel de Ville de Paris, figurant le jeune roi en Hercule terrassant l’ennemi. La statuette mythologique séduit toujours les amateurs, comme en témoigne la série de Michel Anguier.
Diffusion de réductions
Le règne du Roi Soleil correspond ensuite à un apogée pour la statuaire en bronze, qui envahit les jardins puis les places royales. De nombreuses réductions sont diffusées, ainsi des multiples versions de l’Enlèvement de Proserpine par Pluton de Girardon ou, plus rare, de L’Enlèvement d’Hélène tiré d’un marbre de Puget (The Detroit Institute of Arts). Le goût est alors aux groupes dynamiques et complexes, chargés d’une intensité dramatique, illustrés par l’œuvre de Philippe Bertrand, Robert Le Lorrain ou de Corneille Van Clève. L’acmé est toutefois atteinte avec le Parnasse français, étonnant groupe conçu de 1708 à 1762 pour célébrer la gloire de Louis XIV en protecteur des lettres. Destiné à intégrer le futur Musée de l’histoire de France de Versailles, celui-ci n’avait jamais été exposé dans son intégralité depuis sa création. Une autre sensibilité émerge au milieu du XVIIIe siècle avec Pigalle puis Houdon, dont la remarquable Frileuse (conçue dès 1781) a fait le voyage depuis New York. Houdon, qui pratiquait également la fonte, avouait avoir nourri une véritable passion pour le bronze partagée avec celle de l’anatomie. La sensualité de cette callipyge aux lignes épurées l’atteste.
BRONZES FRANÇAIS. DE LA RENAISSANCE AU SIÈCLE DES LUMIÈRES, jusqu’au 19 janvier 2009, Musée du Louvre, aile Richelieu, cours Marly et Puget, crypte Girardon, salle Houdon, 75001 Paris, www.louvre.fr, tlj sauf mardi 9h-18h, mercredi et vendredi 9h-22h. Cat. collectif, coéd. Musée du Louvre/Somogy, 520 p., 39 euros, ISBN 978-2-7572-0196-1.
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Le cas du bronze
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Abonnez-vous dès 1 €Commissaires : Geneviève Bresc-Bautier, conservateur général chargée du département des Sculptures ; Guilhem Scherf, conservateur en chef au département des Sculptures
Scénographe : Jean-Julien Simonot
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°292 du 28 novembre 2008, avec le titre suivant : Le cas du bronze