Le château de Fontainebleau revient sur un pan important de la carrière de François Gérard en exposant ses portraits, lesquels savaient plaire à leur modèle.
FONTAINEBLEAU - À peine dix ans après la mort de François Gérard (1770-1837), Charles Baudelaire n’est pas tendre avec le peintre. « Le baron Gérard fut dans les arts ce qu’il était dans son salon, l’amphitryon qui veut plaire à tout le monde, et c’est cet éclectisme courtisanesque qui l’a perdu. […] Gérard n’a laissé que la réputation d’un homme aimable et très spirituel », écrit le poète et critique en 1846. Quelque peu boudé par l’histoire quand les portraits de David, Gros et Ingres continuaient d’être appréciés, privé de monographie et donc d’une réévaluation de son travail, le baron connut pourtant en son temps un succès certain, à la fois comme peintre d’histoire et comme portraitiste. C’est sur ce dernier aspect de son œuvre que revient l’exposition du château de Fontainebleau. Évitant l’écueil de la rébarbative galerie de têtes couronnées, elle délivre à partir d’œuvres choisies un propos qui permet de comprendre le cheminement de l’artiste.
Flatteur
Dans la salle de la Belle Cheminée, deux représentations du peintre prêtées par le château de Versailles accueillent le public. L’une est due au Britannique Thomas Lawrence (1769-1830) ; l’autre, contemporaine, est l’unique autoportrait connu de François Gérard. La cinquantaine, le maître, légèrement dégarni, y pose un regard à la fois fier et pensif sur le visiteur. Cinq sections reviennent ensuite sur la carrière de ce bon élève de la peinture française. Après avoir étudié auprès de Pajou (1730-1809), François Gérard entre dans l’atelier de David, où il fréquente notamment Antoine Jean Gros. La copie d’un autoportrait de ce dernier, illustrant ces années de formation, est d’ailleurs l’objet de nouvelles interrogations depuis sa restauration pour l’exposition. « L’attribution à François Gérard a été réfutée et c’est la position adoptée dans le catalogue, mais la restauration a révélé la grande qualité du tableau et le doute est à nouveau permis », explique Xavier Salmon, commissaire de l’exposition. Les amis du peintre et leurs épouses sont alors ses meilleurs clients et c’est en peignant l’un d’entre eux, Jean-Baptiste Isabey et sa fille (1795, Musée du Louvre), que l’artiste connaît le succès au salon. À la vue des œuvres exposées, on comprend que Gérard ait pu passer pour complaisant tant il s’efforce de tirer le meilleur parti de ses modèles. Louis-Marie de La Révellière-Lépeaux, député et botaniste bossu, est ainsi représenté assis pour mieux dissimuler la difformité (v. 1798, Musée des beaux-arts d’Angers), tandis que Joachim Murat (1801, château de Versailles), si fier de sa carrure athlétique, pose debout, le torse bombé, en grand uniforme et pantalon rouge moulant.
Nombreuses commandes
L’art de Gérard, empreint de la tradition du XVIIIe siècle, plaît aux souverains et notamment à Napoléon. Portraitiste attitré de la famille impériale, le peintre réalise des œuvres officielles qui ancrent la nouvelle dynastie dans l’histoire des puissants et lui confèrent une légitimité. Secondé par un atelier devenu important, Gérard ne trace parfois que les traits des visages, esquisse les chairs, les fonds, avant de déléguer la suite du travail. Dans d’autres œuvres cependant, le maître dévoile toute l’étendue de sa palette personnelle. Le Portrait de Mademoiselle Mars (1810, collection particulière), actrice dont la beauté inspira le peintre à plusieurs reprises, en est un bon exemple : la douceur du regard, l’éclat des perles, le moelleux de la fourrure et la finesse de la dentelle témoignent de son talent indubitable. De fait, les commandes ne tarissent plus. Lettrés, souverains, grands d’Europe, tous font appel à lui. À la manière d’un album souvenir, une série de ricordi – ces petits tableaux réalisés après les originaux pour en conserver la trace – permet de se faire une bonne idée de ces commandes. Gérard les assure jusqu’à plus de soixante ans, et réalise notamment le portrait officiel de Charles X (v. 1825, château de Versailles). Devenu portraitiste des Bourbons après avoir été celui de l’Empereur, « l’amphitryon qui veut plaire à tout le monde » savait en tout cas sans nul doute séduire les puissants.
Commissariat : Xavier Salmon, conservateur général, directeur du département des arts graphiques du Musée du Louvre
Nombre d’œuvres : environ 70
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Le baron portraitiste
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Abonnez-vous dès 1 €Jusqu’au 30 juin, château de Fontainebleau, 77300 Fontainebleau, tél. 01 60 71 50 70
www.chateaudefontainebleau.fr
tlj sauf mardi, 9h30-18h. Catalogue, éditions de la RMN-GP, 248 p., 39 €.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°413 du 9 mai 2014, avec le titre suivant : Le baron portraitiste