Art contemporain

Laura Lamiel en incise et en lumière

Par Anne-Cécile Sanchez · Le Journal des Arts

Le 13 mars 2019 - 516 mots

SETE

Le Centre régional d’art contemporain Occitanie met en exergue le travail de cette sculptrice confirmée peu exposée.

Sète (Hérault). Depuis le Musée de Grenoble en 2001, c’est la première fois que Laura Lamiel (née en 1948) dispose d’un espace d’exposition aussi vaste ; par ailleurs, nombre de pièces présentées au Crac à Sète y ont été conçues spécialement. « Quarante années de travail habitent ces œuvres récentes », souligne cependant Marie Cozette, la nouvelle directrice du Centre régional d’art contemporain Occitanie et commissaire de l’exposition. Celle-ci commence par un tour de force : dans une salle très haute de plafond, le regard est plaqué au sol par trois béances géométriques incisées au cordeau. Ces excavations tapissées de cuivre lisse ou d’asphalte brut contiennent des objets disparates difficiles à classer – mallettes, éclats de miroir, gants, embauchoirs pour chaussures… – et qui semblent justement vouloir miner un ordre strictement imposé. De ce monde souterrain dont on ne sait à quelle temporalité, passée ou future, il renvoie, émane un sentiment de mystère, de sens enfoui. Le titre, L’Espace du dedans [voir ill.], livre, peut-être, un indice. Dans cette pièce immaculée, des néons en embrasure découpent des formes rectilignes éclairées en creux.

Une mise en tension du regard

Le parcours se poursuit par une installation qui donne son nom à l’exposition : Les Yeux de W. Une chaise et une table évoquant le mobilier sans fioritures des collectivités (école, prison ou monastère), se reflètent sous différents angles et perspectives grâce à un jeu de miroirs.

Ce feuilletage visuel donne forme à une pensée assez explicite : le réel n’existe pas. Réflexion double, comme la lettre « W », et référence à Jean Genet : une perforation dans la cloison, sur la table une cigarette, un briquet, et l’idée surgit d’une fumée qui pourrait, comme dans le film Chant d’amour, s’immiscer entre deux cellules, reliant de part et d’autre leurs occupants par la magie du souffle. Porte escamotée, paires d’yeux griffonnées embusquées en angle, perception oblique d’une réalité transformée en illusion, la troisième salle poursuit cette entreprise de « mise en tension du regard » chère à Laura Lamiel. Sa maîtrise de la lumière, la fraîcheur des installations qu’elle décline depuis maintenant plusieurs décennies confèrent une certaine force à l’exposition. Mais il est difficile de maintenir la tension sur un parcours aussi long. La quatrième salle est occupée par un tapis de grains d’encens sur lequel flottent, comme dans un paysage spirituel, des objets cuivrés.

À la suite de cette pièce contemplative, le propos semble perdre en acuité. Il y a ce banc froid sur lequel s’asseoir face à l’image d’une assise garnie de fourrure, illustration de contrastes. Cette nouvelle cellule à traverser comme un passage vers une installation qui évoque l’atelier, avec ses matériaux rangés comme autant d’hypothèses de travail. À l’étage, des chemises pliées aux manches nouées, des livres scellés sont disposés sur des consoles étroites ; tout est blanc, figé. Mais de longs fils carmin dévident par en dessous une autre réalité, images vermillon d’un rébus sanguinolent. On peut préférer à ce pathos un peu plat l’épure incisive des premières pièces du rez-de-chaussée.

Laura Lamiel, Les yeux de W,
jusqu’au 19 mai, Centre régional d’art contemporain Occitanie/Pyrénées-Méditerranée, 26, quai Aspirant-Herber, 34200 Sète.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°519 du 15 mars 2019, avec le titre suivant : Laura Lamiel en incise et en lumière

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