L’artiste, acteur social

Guy Limone en fait l’expérience à Castres

Par Philippe Régnier · Le Journal des Arts

Le 5 février 1999 - 534 mots

En résidence à Castres, Guy Limone présente, au rez-de-chaussée du magnifique hôtel particulier dans lequel est installé le Centre d’art contemporain, trois ensembles de travaux qui jouent sur les notions d’individuel et de collectif.

CASTRES - Pour peu que l’on ne connaisse pas l’œuvre de Guy Limone, l’exposition organisée par le Centre d’art contemporain de Castres permet de se faire une idée assez précise du travail plastique et intellectuel du Marseillais. Par petites touches, dans une logique quasi pointilliste, Limone met l’individu au centre de ses recherches, même s’il s’agit de femmes ou d’hommes perdus dans une masse qui souvent les dépasse. Ainsi se déploie dans la première salle du centre d’art un énorme chiffre, 6 228 254 000 – celui de la population mondiale en l’an 2000 – tracé sur le mur à l’aide de milliers de petits personnages miniatures, du skieur au cycliste, des mariés au clown, qui symbolisent la diversité humaine. Dans la même salle et sur le même principe, une autre pièce met en lumière la densité de la population du Tarn, tandis que, pour la première fois, l’artiste a utilisé ces petits personnages pour tracer un nom, celui de son frère disparu, Jacky.

Plus loin, Limone a entièrement tapissé l’une des salles de l’hôtel particulier du XVIIe siècle, dans lequel est installé le Centre d’art, avec un papier peint de sa composition qui réunit un ensemble de signes rouges issus des médias. Ces images servent de fond à un travail qu’il a réalisé lors de sa résidence à l’Arteppes, à Annecy, en 1997-1998. En liaison avec des habitants du quartier où il vivait, Limone avait décidé de mettre en lumière les problèmes flagrants de communication entre les générations. Ces Annéciens ont ainsi été invités à se couvrir le visage d’images tirées des médias, représentatives de leurs centres d’intérêt et reflétant leur personnalité. Le résultat est pour le moins étonnant, étrange, voire monstrueux. Ces figures se transforment en collages hétéroclites où se rencontrent cocotiers, images de voitures, animaux domestiques, la Déclaration universelle des droits de l’homme... Très généreusement, l’artiste n’est pas intervenu dans le choix de ces icônes, ni dans leur mise en place. Chacun des participants au projet est donc resté maître de sa création, même si, esthétiquement, le résultat n’est parfois pas très convaincant. Dans une logique proche, l’artiste avait conduit des ateliers dans des collèges de Marseille, en 1991-1992. Ici, des élèves de 11-12 ans, 13-14 ans et 15-16 ans sont venus tour à tour se faire photographier dans son atelier. Les petites images ont ensuite été montées sur des tubes lumineux. Il en résulte une amusante frise dans laquelle transparaissent parfois quelques signes de ce mal de vivre adolescent.

Cette exposition coïncide avec une résidence de l’artiste à Castres, en janvier et février. Durant son séjour dans l’un des quartiers difficiles de la cité, il va travailler en liaison avec les associations, organisant aussi bien des cours d’alphabétisation que des ateliers coiffure, en espérant pouvoir faire changer les choses. Où l’on reparle du rôle social de l’artiste.

GUY LIMONE : JACKY

Jusqu’au 18 mars, Centre d’art contemporain, 35 rue Chambre de l’Édit, Castres, tél. 05 63 59 30 20, tlj 10h-12h et 14h-18h, sam. dim. lundi 15h-18h.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°76 du 5 février 1999, avec le titre suivant : L’artiste, acteur social

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