« J’eus l’idée de faire pour mon fils qui venait de naître, une couverture composée de bouts de tissus comme celles que j’avais vues chez les paysans russes. Quand elle fut achevée, la disposition des fragments d’étoffe m’a paru relever de la conception cubiste, et nous essayâmes alors d’appliquer le procédé à d’autres objets et à des tableaux. » Nous sommes en 1911. Sonia Delaunay (1885-1979) participe étroitement aux recherches de son mari Robert Delaunay, basées sur les contrastes simultanés des couleurs et le dynamisme de la lumière. Ces recherches aboutissent, dès les années suivantes, à l’abstraction des Disques simultanés. Sonia applique leurs communes conceptions artistiques à des vêtements, des reliures de livres, des « illustrations » de poèmes. « Il faut aller voir à Bullier, écrit Guillaume Apollinaire, le jeudi et le dimanche, Monsieur et Madame Robert Delaunay qui sont en train d’opérer la réforme du costume. » Cette réforme, c’est Sonia qui va réellement la faire, à partir de 1920. La révolution russe (Sonia est née en Ukraine) l’ayant privée de ses revenus, elle se décide à commercialiser des créations jusque-là réalisées pour son plaisir. En 1923, elle reçoit d’un soyeux lyonnais une importante commande de dessins pour tissus. Puis elle ouvre son propre atelier, boulevard Malesherbes, l’« Atelier simultané ». Ses tissus d’abord brodés, puis imprimés, remportent un énorme succès, notamment lors de l’Exposition des Arts décoratifs de 1925. « Tissus imprimés, tissus brodés, ils obéissent les uns et les autres à un même principe : l’équilibre des volumes et de la couleur. C’est ici le royaume de l’abstraction, d’une géométrie constante mais souple, vivante, soulevée par l’allégresse de l’inspiration, par le jeu capricieux du pinceau, par la joie triomphante de la couleur », écrit alors un journaliste. Sonia Delaunay rénove entièrement l’art du tissu imprimé, et apporte à la mode la dimension de la modernité artistique. Car c’est en peintre qu’elle travaille, et les créations de l’« Atelier simultané » (1923-1934) sont des œuvres d’art à part entière, comparables aux meilleures peintures de l’artiste.
En témoignent les 150 aquarelles et gouaches, projets de tissus et de vêtements, présentés dans cette exposition.
LODEVE, Musée Fleury, square Georges Auric, tél. 04 67 88 86 10, 30 novembre-2 mars.
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L’art « simultané » de Sonia Delaunay
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°543 du 1 janvier 2003, avec le titre suivant : L’art « simultané » de Sonia Delaunay