Vivant sur une quarantaine d’îlots coralliens de l’océan Atlantique au Panama, les femmes kuna n’ont commencé à porter des corsages qu’à la fin du XIXe siècle, à cause des Blancs choqués par leurs seins nus. Jusque-là elles peignaient leur torse. Sous la contrainte, elles ont remplacé les peintures par des corsages ornés des motifs dont elles avaient l’habitude. Ce sont les molas, extraordinaires créations textiles plus proches des tableaux contemporains que de l’artisanat. En pénétrant dans l’exposition organisée par Michel Perrin à la bibliothèque Forney, on imagine une magnifique galerie d’art et l’on croit volontiers Claude Lévi-Strauss qui affirme : « Cet art reste d’une fécondité prodigieuse. On est émerveillé par la diversité des motifs et des styles, par la virtuosité avec laquelle les couturières les traitent. Peu d’arts décoratifs ont su réaliser par ce seul moyen des combinaisons si savantes et si compliquées. »
La technique employée, dite « d’appliqué inversé », consiste à superposer deux à quatre tissus de couleurs différentes. Les motifs sont découpés dans les couches supérieures qui laissent voir les couches inférieures. Tout est d’une incroyable finesse. Certains molas représentent, de manière conventionnelle très stylisée, des objets ou des animaux. Sur d’autres tout va par paires, les couleurs peuvent être inversées, la dualité s’exprime par la symétrie. Ailleurs encore, des monstres émergent si l’on fait jouer la forme et le fond.
Le summum de la complexité est atteint lorsque le mola reproduit les motifs de la vannerie. Au-delà des représentations, les molas permettent de comprendre la vie quotidienne des femmes kuna, les rites et la mythologie. Il s’agit d’un « art de réaction », né du contact avec la société occidentale, un art qui, hélas, aurait parfois tendance à dégénérer au contact du tourisme.
« Tableaux Kuna. Les Molas, un art d’Amérique », PARIS, bibliothèque Forney, 1 rue du Figuier, IVe, tél. 01 42 78 14 60, jusqu’au 26 juillet.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
L’art remarquable des Kuna
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°549 du 1 juillet 2003, avec le titre suivant : L’art remarquable des Kuna