NIMES
Le Carré d’art déroule une très riche exposition sur les liens, dans les années 1960 et 1970 à New York, entre arts plastiques, musique et danse. Le minimalisme y apparaît à la croisée de toutes ces disciplines.
Nîmes. Prenons une année dans la chronologie fournie du catalogue, 1964 par exemple. Parmi les événements relatés, figure celui-ci : « Au printemps Yvonne Rainer travaille un duo, Part of a Sextet, pour Robert Morris et elle-même. » Remontons à 1958-1959 pour découvrir que « la Monte Young, Terry Riley et Walter De Maria […] collaborent à divers happenings et performances musicales ». Et, en 1968 : « Bruce Nauman s’installe à New York […] et entreprend de filmer […] des performances dans l’espace de son studio. Comme il s’en explique à Meredith Monk […], il s’agissait de développer une “conscience corporelle”. »… Le lien entre toutes ces actions ? Une porosité qui, au cours des années 1960 et 1970, s’est manifestée de manière intense aux États-Unis, à New York surtout, entre différentes formes de création, plastiques, musicales et corporelles.
Passionnante exposition que celle proposée par le Carré d’art de Nîmes, qui, dans le cadre du 40e anniversaire du Centre Pompidou, réunit des œuvres de la collection du Musée national d’art moderne. « A Different Way to Move » s’attache en effet au « moment » minimaliste qui marqua la création américaine de ces deux décennies en révélant, plus que des liens ou des correspondances, de profondes influences. Le croisement des disciplines, caractéristique de la période, permet en effet une vaste remise en question de la validité des formes et surtout de leur potentiel autre que contemplatif.
« Je veux [bouger] seul parmi mes objets »
L’un des artistes les plus impliqués en ce sens apparaît être Robert Morris, dont la sculpture a toujours eu des accointances avec le corps, ce que rappelle fort opportunément l’une de ses œuvres majeures, Box for Standing (1961), caisse en bois ouverte à l’avant et construite aux dimensions exactes de son propre corps debout. Mais, outre la pratique de la sculpture, Morris, marié jusqu’en 1962 à la chorégraphe Simone Forti – qu’une publication, dans une vitrine, présente comme « Simone Morris » – fut l’un des plasticiens de l’époque à s’être particulièrement investi dans la danse et la performance ; lui qui déclarait encore en 2008 : « Je veux façonner un monde au sein duquel je bouge seul parmi mes objets. » Or, bouger, c’est exactement ce à quoi invite Carl Andre, avec ses sculptures au sol qui deviennent de véritables lieux d’expérience, en pleine révolution apportée par la Postmodern Dance, qui bouleverse la gestuelle classique et déplace les lieux de la danse. La dernière salle du parcours est en cela éclairante, qui montre la collaboration poussée entre Philip Glass, Lucinda Childs et Sol LeWitt, fondée sur un autre principe de la sculpture minimale : la sérialité. L’exposition nîmoise déploie une documentation explicite : publications, affiches, mais aussi de nombreux diagrammes et documents graphiques insistant sur l’élaboration des performances ou pièces dansées et la manière dont est pensé le déplacement des corps. Mais là n’est pas son seul intérêt, puisqu’elle est riche d’œuvres d’une remarquable qualité, et ne se cantonne pas à celles les plus attendues.
Si Walking in an Exaggerated Manner around the Perimeter of a Square (1967-1968), le film iconique de Bruce Nauman dans lequel on le voit marcher autour d’un carré en accentuant les postures – manière là aussi de mêler mouvement et sculpture –, est incontournable, des travaux moins attendus sont formidables, certains affirmant même une perspective ouvertement politique. C’est le cas de la pièce d’Yvonne Rainer Trio A with Flags. Il fallait oser en 1970, en pleine guerre du Vietnam et dans une période d’intense contestation politique, lancer au milieu du public une demi-douzaine de danseurs nus portant le drapeau américain autour du cou. Au-delà de considérations artistiques, la virulente transgression politique était aussi « une manière différente de bouger ».
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L’art minimal, cet autre mouvement
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Abonnez-vous dès 1 €Jusqu’au 17 septembre, Carré d’art-Musée d’art contemporain, place de la Maison-Carrée, 30000 Nîmes.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°483 du 7 juillet 2017, avec le titre suivant : L’art minimal, cet autre mouvement