Art ancien - Art contemporain

ART CONTEMPORAIN ET RENAISSANCE

L’art flamand croise l’art contemporain à Peyrassol

Par Sindbad Hammache · Le Journal des Arts

Le 5 octobre 2022 - 597 mots

La confrontation de la collection d’art contemporain de Philippe Austruy et des toiles flamandes de la galerie De Jonckheere offre un éclairage inédit sur les pièces du marchand belge.

Flassans-sur-Issole (Var). Sur le papier, on aurait pu craindre une association forcée ou un choc de temporalités. La commanderie de Peyrassol accueille une exposition entièrement pensée autour de la confrontation entre les peintures flamandes des XVe et XVIe siècles issues de la collection du marchand Georges De Jonckheere, et les acquisitions récentes en art contemporain de Philippe Austruy, le maître des lieux. Mais contre toute attente, le principe de binôme adopté ici, où chaque pièce de la Renaissance se trouve assignée à une autre du XXIe siècle, laisse plutôt la place à une réflexion sur la perception des œuvres.

L’assemblage par paires cherche à montrer ce que des œuvres distantes de plusieurs de siècles ont en commun, dans leur discours, leur fonctionnement plastique, ou leur composition, en veillant à ne pas appliquer une grille de lecture toute faite. Certaines associations apparaissent avec évidence, comme le moulage de Niki de Saint Phalle pour la fontaine Stravinsky avec Le Triomphe de Neptune et Amphitrite de Frans Francken le Jeune (1607) qui joue sur l’écho que renvoie la sculpture au corps de la déesse. D’autres sont plus cérébrales : ainsi de la millième minute de la journée représentée par Jorge Macchi (Minuto Mil, 2019) face à un Adam et Ève signé Aert van den Boosche (vers 1490). Il est intéressant ici de constater que le discours sur le temps sied aussi bien à l’art conceptuel qu’aux représentations bibliques du XVe siècle.

Parmi la vingtaine d’associations, peu d’œuvres d’art contemporain cèdent à la facilité, voire à la redondance, comme l’utilisation du mot « pouvoir » placé face à un portrait de souverain. Pour la plupart, les deux œuvres jouent une même partition, mais de manière différente. Un triptyque de paysages d’Etel Adnan trouve son pendant dans un paysage d’hiver de patineur de Pieter Brueghel le Jeune, aux dimensions comparables, et où l’on retrouve cette même façon d’organiser la peinture en registres plus ou moins lointains. Le Circle Blue Green de Dewain Valentine (1972-2019), un cercle de verre teinté de bleu, et une Marie Madeleine en reine Artémise de Peter Pourbus (vers 1560) mettent en lumière la question de la transparence et de l’opacité dans la peinture : en regardant ce nu à peine couvert d’un léger tissu à travers le cercle bleuté, l’association rajoute un filtre au filtre. Ici, le couple fonctionne presque comme une installation.

Des œuvres en miroir

« L’art contemporain, c’est un coup de poing, un instantané, alors que l’art flamand exige du temps, de la patience », précise Laura De Jonckheere. Dans cet accrochage, c’est la temporalité des toiles hollandaises qui prend le dessus, en invitant le spectateur à revenir sur ses pas pour comprendre le jeu d’association. Mais ce sont bien les codes d’exposition de l’art contemporain qui sont ici utilisés pour montrer l’ensemble des œuvres. Le scénographe Jean de Piépape a utilisé un éclairage dur, bien loin des lumières chaudes sous lesquelles les œuvres de la galerie De Jonckheere se montrent dans les foires. Un parti pris audacieux qui paie, rendant une certaine matérialité à des œuvres qu’on n’apprécie parfois seulement que pour leur iconographie. L’accrochage qui mise sur l’expérience du visiteur se permet même de présenter un paysage du XVIe siècle de Jacob Grimmer à 90 centimètres du sol, pour que celui-ci se reflète dans les miroirs de Michelangel Pistoletto [voir ill.] : au sens propre comme au figuré, le point de vue sur l’art flamand est ici inédit.

Face au temps. Regards croisés sur les collections Philippe Austruy et De Jonckheere,
jusqu’au 1er novembre, La commanderie de Peyrassol, RN7, 83340 Flassans-sur-Issole.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°596 du 7 octobre 2022, avec le titre suivant : L’art flamand croise l’art contemporain à Peyrassol

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