L’exposition itinérante consacrée au peintre Josefa de Óbidos – une nonne portugaise du XVIIe siècle – reçoit deux éclairages très contrastés. Tandis qu’à Washington le National Museum of Women in the Arts l’érige en combattante féministe, la European Academy de Londres replace prudemment les œuvres dans leur contexte historique.
LONDRES (de notre correspondante). Méconnu, l’art portugais suscite peu d’expositions hors de ses frontières. Pourtant, pour son dixième anniversaire, le National Museum of Women in the Arts, à Washington, a accueilli une rétrospective consacrée à Josefa de Óbidos, que la European Academy de Londres présente à son tour au public. Née à Séville en 1630, alors que les couronnes d’Espagne et du Portugal étaient toujours unies, Josefa apprend à peindre avec son père. Peu de temps avant la restauration de la monarchie portugaise, en 1640, elle retourne au Portugal où elle passera ses jeunes années dans un monastère avant de s’installer à Óbidos ; elle y mourra en 1684. À Londres comme à Washington, les natures mortes de la nonne sont confrontées à ses compositions religieuses – les deux genres prédominants de sa carrière. En revanche, les prises de position des deux musées diffèrent considérablement. Le catalogue du National Museum of Women in the Arts propose des interprétations audacieuses. La notice de Sainte Anne et la Vierge à l’Enfant explique, par exemple, que "Josefa a placé un panier de fruits en face d’Anne, insinuant ainsi que la notion d’une lignée par les femmes existait déjà dans l’esprit de Dieu, et ce dès la Création." À l’opposé, Angela Delaforce, commissaire de l’exposition de Londres, replace les œuvres dans leur contexte historique et prend en compte l’environnement monastique portugais. Dans le texte d’introduction du catalogue, elle insiste sur le rôle des mécènes dans le choix des sujets et de l’iconographie. Ne mentionnant à aucun moment le fait que Josefa était une femme, Angela Delaforce affirme que son œuvre était étroitement contrôlée par les ordres monastiques pour lesquels elle peignait. L’artiste subissait également l’influence des textes de dévotion, qu’elle consultait régulièrement. Ainsi, le Salvator Mundi – qui montre l’Enfant Jésus debout sur un piédestal comme une statue, vêtu d’une tunique bordée de dentelle et entouré de fleurs – s’inspirerait des sculptures peintes que les nonnes habillaient et décoraient les jours de fête.
LE SACRÉ ET LE PROFANE : JOSEFA DE ÓBIDOS DU PORTUGAL, jusqu’au 16 novembre, European Academy, 8 Grosvenor Place, Londres, tél. 44 171 235 0303, tlj sauf lundi 10h-18h.
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L’art, enjeu idéologique
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°46 du 24 octobre 1997, avec le titre suivant : L’art, enjeu idéologique