Avec l’appui du maire et de la région, un village qui paraissait au bout du monde, montre qu’en mariant un certain sens de la communication avec celui de la dérision, l’art peut exister partout, donc nulle part...
CHAMPCLAUSE - Un communiqué de l’association "Champclause D 422" indique "Région Auvergne, carte Michelin 76, bas du pli n° 8". Entre le Puy-en-Velay et Valence, au détour d’une départementale insignifiante : une église qu’entourent deux fermes, la mairie, la salle paroissiale, et surtout l’ancienne cure, aujourd’hui convertie à l’art vivant. Claude Lévêque investit les lieux cet été. Il a demandé à six enfants du village de dessiner ce qu’ils voyaient autour d’eux, puis ceux-ci ont agrandi leurs dessins sur des draps blancs, aujourd’hui tendus devant les fenêtres du presbytère. L’espace et les dessins se reflètent sur le mur aveugle, qui leur fait face, dans des boules de Noël argentées.
C’est en 1989 qu’une poignée d’autochtones avait décidé de montrer qu’avec beaucoup de bonne volonté, un village de 250 habitants, dont la principale activité reste l’élevage bovin et équin, peut aussi devenir un lieu actif pour la diffusion de la création contemporaine.
La communication
Zone culturelle sinistrée oblige, l’accent est mis dès le départ sur la communication – communication si chère à l’art contemporain. Champclause se construit donc une image de marque. D’abord, en passant avec le mensuel Art Press un contrat jusqu’à l’an 2000, pour l’insertion chaque mois, dans le calendrier des expositions, de son logo : un panneau de signalisation routière triangulaire où figure la silhouette d’une vache – sans autre explication. Ensuite, avec un important mailing de cartons d’invitation, dont la taille démesurée singeait à leur création ceux du Musée Saint-Pierre de Lyon. L’image du recto, en couleurs, est toujours plus ou moins directement liée à la vie du village : qu’on y agrandisse les titres du journal local ou les touches de l’accordéon de M. Lerousseau, qu’il y figure le tableau accroché dans le bureau du maire ou, plus récemment, l’équipe de football locale au grand complet. Il est même arrivé, avec Yves Duranthon, que le carton/sondage tienne lieu d’exposition, pour montrer à quel point il est aujourd’hui souvent aussi important que l’exposition elle-même.
Mais il ne faudrait pas faire passer Champclause pour une fiction littéraire, et ses 1 250 m d’altitude pour un nouveau Mont analogue. L’ancienne cure accueille bel et bien chaque été des œuvres, de Bernard Rancillac ou Christian Boltanski, de Thomas Schütte ou Patrick Saytour. Et même, parfois, des concerts de musique tzigane.
L’exposition de Claude Lévêque n’est pas la première occasion de voir le temps comme "suspendu" à Champclause. Déjà, durant l’été 91, une exposition intitulée "Boule de neige" proposait une installation, non signée, mais digne des Présence Panchounette au meilleur de leur forme. Elle accumulait plusieurs centaines de ces demi-globes qui garnissent les magasins de souvenirs. Remplis d’eau, en les retournant, on y voit tomber la neige, ici sur le logo de Champclause. Les deux mille exemplaires édités furent ensuite envoyés au milieu de l’art, car on l’aura compris, une des premières ambitions des activités menées à Champclause n’est autre que de faire, le temps d’un été, boule de neige.
Exposition "Claude Lévêque", du 22 mai au 21 août, de 14h30 à 18h30. Les samedi, dimanche et jours fériés, jusqu’au 10 juillet. Tous les jours sauf lundi et mardi ensuite. Champclause D422, 43430 Champclause, tél. 71 59 56 62.
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L’art en campagne
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°5 du 1 juillet 1994, avec le titre suivant : L’art en campagne