La Villa Paloma à Monaco présente les assemblages traduisant un usage poétique et métaphorique des éléments de la « maison » par l’artiste.
Monaco. S’il est un artiste dont les œuvres illustrent parfaitement le vocable consacré que l’on trouve sur les cartels des musées : « technique mixte », c’est bien Pier Paolo Calzolari (né à Bologne en 1943). Vocable qui provoque chez le spectateur un sentiment de frustration face à une œuvre qui affiche sa matérialité brute tout en cachant la nature des éléments qui la composent. Dans le cas de l’artiste italien, s’il ne titre pas toujours ses travaux, il en décrit clairement les matériaux. Ce mélange, hybridation, réunion, juxtaposition, imbrication d’éléments différents modifie, parfois avec violence, nos « habitudes » esthétiques.
L’importance accordée dans les œuvres à des composants non traditionnels est l’une des caractéristiques de l’Arte povera, ce mouvement d’avant-garde né à Turin en 1967, auquel appartient Calzolari. Chapeauté par le critique d’art Germano Celant, l’Arte povera, qui réunit Jannis Kounellis, Giuseppe Penone, Giovanni Anselmo, Michelangelo Pistoletto ou encore Mario Merz, écologistes avant la lettre, prône un retour aux matériaux naturels, loin d’une création artistique attirée par les progrès technologiques. Pour autant, chacun de ces artistes, à l’image de Calzolari, développe des pratiques singulières.
Les assemblages et petites installations présentés à la Villa Paloma, ce lieu transformé en Nouveau Musée national mais qui garde le charme d’antan, sont parfois posés à même le sol ou fixés dans les coins d’une salle. Ces travaux semblent être réalisés sur un mode, pourrait-on dire, mineur. Mineur dans le sens employé en musique, c’est-à-dire jamais dramatique ni fébrile. Au chaos volontaire du monde, l’artiste oppose une sérénité silencieuse, des natures mortes d’un nouveau type, des présences figées qui respirent le vide. Ces objets et ces matières – quelques livres « froissés » en plomb sur une étagère (Nature morte B, 2005), une feuille de trèfle posée sur un tissu (Sans titre, 1996) ou une bougie sur un plateau recouvert de givre – n’établissent aucun lien explicite, narratif ou symbolique entre eux, et restent opaques et muets. L’admiration avouée par Calzolari à la thématique modeste et dense de Giorgio Morandi, qui va toujours à l’essentiel, trouve ici son expression adéquate.
De fait, ces « choses » refusent toute précision et restent des formes volontairement inachevées, qui proposent au spectateur une expérience sensible et pas seulement visuelle. Chacune d’elles expose à sa surface une diversité de traces de différentes manipulations, qui lui confère une dimension temporelle et contribue à la charge émotive particulière qui s’en dégage. Une émotion transmise au spectateur par la fragilité de ces travaux, pièces assemblées qui partagent une forme d’hésitation ou d’incertitude.
À l’instar des objets abandonnés ou trouvés, qui gardent les marques de leurs pérégrinations, les œuvres énigmatiques de Calzolari semblent préserver un secret. Le minimalisme de l’artiste est un minimalisme expressif, mais qui agit en sourdine. Autrement dit, une œuvre à bas bruit.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°623 du 15 décembre 2023, avec le titre suivant : L’art du peu de Pier Paolo Calzolari