L’art de l’ellipse

PARIS - “L’histoire de la représentation du ciel fait appel à la science et à la poésie, à la philosophie et à l’art, s’enthousiasme Jean-Pierre Luminet, l’un des commissaires de l’exposition de la Grande galerie, chercheur au CNRS. Certains artistes ont eu des intuitions en avance sur les progrès de la science, tandis que les scientifiques ont su parfois se montrer poètes. Kepler, l’inventeur de l’ellipse, a créé un système musical fondé sur les mécaniques célestes ; quant à l’observatoire de Tycho Brahé, son architecture reposait sur les lois de l’harmonie divine.”

Le ton est donné. “Figures du Ciel” et “Couleurs de la Terre” rassemblent des pièces aussi diverses que possible : la Melancolia de Dürer trône au-dessus de sévères relevés célestes ; Le livre des sept âges du monde, enluminé au XVe siècle par Simon Marmion d’Amiens, voisine avec des simulations sur ordinateur du big bang ; des images par satellite ou par données radar complètent la vision de la terre telle qu’elle apparaît au XIIe siècle dans le Liber Floridus de Lambert de Saint-Omer, ou deux cent cinquante ans plus tard dans le fameux Atlas catalan.

Manifestement, c’est l’occasion pour la BnF de montrer l’étendue de ses richesses fabuleuses, augmentées de quelques rares prêts de bibliothèques européennes. Cette présentation est néanmoins soutenue par un discours solide, qui aborde dans les deux cas la progressive codification abstraite des représentations du monde.

Une scénographie cosmique
Si l’exposition du site Richelieu adopte un déroulement relativement chronologique – partant des visions imagées médiévales jusqu’à la cartographie contemporaine –, sa consœur du XIIIe arrondissement joue le jeu des confrontations inattendues jusqu’au bout, avec un parcours thématique autour de l’uranométrie, c’est-à-dire la représentation des constellations sous une forme d’abord figurée, puis abstraite – d’où le titre de l’exposition – des mécaniques célestes, des systèmes galaxiques, de la formation de l’univers et, enfin, des habitants du ciel. Des projections d’images sur les murs, des extraits musicaux, la diffusion du film d’Alain Jaubert sur les globes de Coronelli (lire le JdA n° 67) et une salle de consultation informatique apportent de nombreux compléments à une présentation déjà très riche.

Une telle accumulation apporte un peu de confusion. Le visiteur reçoit d’ailleurs à l’entrée un plan de l’exposition afin de trouver son chemin dans la scénographie moderniste que Roberto Ostinelli a imaginée sur le modèle d’un système planétaire. Cependant, la beauté des pièces réunies, leur rareté et la qualité des services offerts au public – par exemple, le privilège de feuilleter sur ordinateur l’extraordinaire Astronomie des Césars de Petrus Apianus, dont Charles Quint ne se séparait jamais – font aisément pardonner ces défauts.

Il ne reste plus à la BnF qu’à organiser une exposition sur le même thème autour de représentations non-européennes, à peine évoquées ici.