À peine le seuil franchi, la force du regard de l’ouvrier met de plain-pied dans l’univers d’Éric Guglielmi.
L’attitude affranchie de l’homme, le cadre de la fonderie de Laifour, posent le décor du récit « Ardenne », région natale du photographe. On peut ne pas le savoir. On le pressent néanmoins par l’attachement à ce territoire qu’expriment ses images en couleur ou en noir et blanc de forêts moussues, de champs cultivés, de Christ en croix au bord d’une route ou de façades de maisons, d’entrepôts ou d’usines en activité ou abandonnées. De saison en saison, l’Ardenne se raconte de 2006 à nos jours. Les années s’entremêlent. Le nom propre, préféré au singulier qu’au pluriel, marque la dimension territoriale d’une région naturelle débarrassée de ses frontières. Seuls les cartels précisent le lieu, l’année de la prise de vue, et si l’on est en France, en Belgique, en Allemagne ou au Luxembourg. Les guerres et la fermeture des usines métallurgiques ou des exploitations minières n’ont épargné aucun côté. Rien toutefois ne suggère la déploration dans le récit d’Éric Guglielmi, bien au contraire.
L’approche toute suggestive est construite sur le sensible. Paysages ou intérieur : on chemine à ses côtés, tranquille, attentif à ce qui retient son regard. On rencontre peu de gens, excepté l’ouvrier de Laifour ou un chasseur et ses chiens. Pas une image qui ne porte toutefois en elle ce que la nature, la forêt ou les habitants de l’Ardenne ont vécu et vivent. Imperceptiblement, ce que l’on voit s’inscrit dans la mémoire. « Ardenne » d’Éric Guglielmi est d’ores et déjà à ranger dans les expositions marquantes de 2018.
« Éric Guglielmi. Ardenne »,
Maison de la photographie Robert Doisneau, 1, rue de la Division-du-Général-Leclerc, Gentilly (94), www.maisondoisneau.agglo-valdebievre.fr
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°710 du 1 mars 2018, avec le titre suivant : L’Ardenne selon Éric Guglielmi