Le Château retrouve, le temps d’une exposition très scénarisée, les œuvres majeures de la collection d’antiques des rois de France.
VERSAILLES - « Il y a une émotion esthétique très forte en face d’un tel rassemblement de chefs-d’œuvre », s’exclame Béatrix Saule, directrice du Musée national des châteaux de Versailles et de Trianon. À contempler la liste des œuvres réunies pour l’exposition « Versailles et l’Antique », on ne peut que lui donner raison. Dispersées après la Révolution, plus de deux cents œuvres issues des collections royales d’antiques ou inspirées de la mythologie retrouvent le château de Versailles, l’occasion de saisir une certaine idée du faste de la cour des rois de France. Pas moins de quatre conservateurs du Louvre et de Versailles ont travaillé à l’exposition de ces chefs-d’œuvre, dont certains étaient en réserve depuis des dizaines d’années, à l’image de cette statue monumentale d’Isis d’époque impériale, aujourd’hui au Musée du Louvre, autrefois placée dans la rotonde de l’Orangerie de Versailles comme l’a révélé le travail de recherche effectué à l’occasion de l’exposition.
À l’issue de l’événement, la sculpture sera mise en dépôt par le musée parisien au château. Cette Isis hiératique ouvre le parcours dans la galerie Pierre Basse, où la statuaire exposée en permanence a été recouverte de larges voiles blancs, une astuce de scénographie assez bienvenue. Les huit sculptures connues du bosquet de la salle des Antiques, détruit en 1705, côtoient les Muses du décor des jardins de Marly. Le scénographe Pier Luigi Pizzi, venu du monde du théâtre et de l’opéra, a conçu des ifs métalliques pour recréer l’idée d’un décor végétal pour ces œuvres à l’origine exposées en plein air. Plus loin, les sculptures qui ont eu l’honneur des palais royaux se succèdent : la Diane de Versailles, la Vénus d’Arles, l’Apollon Lycien, le Cincinnatus et le Germanicus Savelli ont déserté les salles du Louvre.
Une nouvelle Rome
On mesure alors le pouvoir et l’influence de Louis XIV qui réunit ces pièces maîtresses en l’espace de quarante ans pour la promotion de sa gloire : Versailles doit devenir la nouvelle Rome. Et si le roi ne parvient pas à acheter les œuvres qu’il convoitent, qu’importe, les copies confiées aux plus grands sculpteurs français orneront palais et jardins. La célèbre Vénus callipyge Farnèse à Rome est l’objet de deux variations par les sculpteurs Barois et Clérion dans les années 1680, lors de leurs séjours à l’Académie de France à Rome.
Cette nouvelle capitale sera le « palais du Soleil », pour reprendre les termes de la salle suivante. Versailles se construit et s’orne dans la perspective de la continuité de l’Antique. Louis XIV, nouvel Alexandre, Apollon personnifié, commande à ses artistes des œuvres à l’iconographie explicite. La manufacture des Gobelins exécute des tapisseries somptueuses pour illustrer la gloire du roi : la tenture des Saisons, prêtée par le Mobilier national, est à ce titre révélatrice, qui montre les divinités agraires célébrant les plaisirs du monarque, autrefois accrochée dans le Grand Appartement du roi. Pour le roi, se référer aux grands héros et aux vertus des héroïnes de l’Antiquité est aussi un acte politique. La Thomyris de Rubens, entrée dans les collections du roi en 1671, placée derrière le trône dans le salon d’Apollon, devait tenir lieu d’avertissement face au pouvoir corrompu de Cyrus vaincu par la sagesse de la reine des Scythes. La Justice de Trajan, la bienveillance de Ptolémée II, la modestie d’Alexandre Sévère tenaient lieu d’exemples à suivre, y compris pour les princes. Plus tard, sous les règnes de Louis XV et de son petit-fils Louis XVI, l’Antiquité perdure, dans des mythologies plus galantes, plus légères. Psyché et l’Amour sont à l’honneur, et Madame de Pompadour se fait portraiturer en Diane chasseresse par le peintre Jean-Marc Nattier. Mais alors que Louis XVI prévoit de reconstruire presque entièrement le château sur des plans issus des grands monuments antiques de Rome, le « Grand Projet » est compromis par la Révolution qui emporte la monarchie.
« Ce n’est pas une exposition, c’est un théâtre ! » pour Catherine Pégard, présidente de Versailles. Le théâtre des ambitions royales, de l’ostentation et du luxe de la cour est parfaitement mis en scène, fruit d’un travail d’archives assez impressionnant, comme le prouve un catalogue précis et passionnant. À Versailles, le spectacle et la qualité font bon ménage.
Jusqu’au 17 mars, Château de Versailles, Place d’armes, 78000 Versailles, www.chateauversailles.fr, tél. 01 30 83 78 00, tlj sauf lundi, 9h-17h30.
Catalogue, éditions Artlys, 336 p., 50 €
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L’Antiquité glorifiée à Versailles
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Abonnez-vous dès 1 €Commissariat : Alexandre Maral et Nicolas Milovanovic, conservateurs en chef à Versailles, Geneviève Bresc-Beautier conservateur général au Musée du Louvre, et Jean-Luc Martinez, conservateur général au Musée du Louvre
Scénographie : Pier Luigi Pizzi
Nombre d’œuvres : 223
Voir la fiche de l'exposition : Versailles et l'antique
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°380 du 30 novembre 2012, avec le titre suivant : L’Antiquité glorifiée à Versailles