Le Brooklyn Museum avait projeté de marquer le cinquième centenaire de l’arrivée de Christophe Colomb en Amérique par une vaste rétrospective de l’art colonial dans le Nouveau Monde hispanique. Mais la crise financière traversée par le musée a retardé le projet, et l’exposition prévue pour 1992 vient seulement d’ouvrir ses portes.
NEW YORK (de notre correspondant) - Presque entièrement constituée à partir des propres collections du musée, l’exposition du Brooklyn Museum rassemble plus de deux cents tissus, manuscrits, céramiques, œuvres en pierre et en argent, sculptures religieuses, peintures, mobilier et éléments architectoniques, réalisés entre le XVIe et le XIXe siècle dans les vice-royautés de la Nouvelle-Espagne et du Pérou. C’est-à-dire sur des territoires qui comprennent aujourd’hui le sud des États-Unis, le Mexique, et une bonne partie de l’Amérique du Sud.
L’exposition révèle la nature hybride de l’art produit durant les trois siècles qu’a duré l’occupation espagnole. "Nous n’avons pas cherché à séparer les Indiens des Européens, car la culture coloniale a engendré un nouvel ordre social en maintenant des liens avec le passé, mais en exprimant aussi les bouleversements de la société", explique Diane Fane, conservatrice du département des Arts américains et co-commissaire de l’exposition avec Kevin Stayton et Sarah Faunce, respectivement conservateurs du département des Arts décoratifs et du département des Peintures et sculptures européennes.
Peintures de l’École de Cuzco
L’interpénétration de l’Ancien Monde et du Nouveau est partout évidente, comme dans la "Toile d’Ihuitlan", un tissu peint mexicain du milieu du XVIe siècle, qui raconte l’histoire d’une communauté en utilisant des symboles indigènes, tout en évoquant le saint patron protecteur du village par la représentation d’une église catholique.
De la même façon, une tapisserie inca porte un blason espagnol. A-t-elle été exécutée pour un conquistador espagnol ou pour un autochtone qui avait choisi de collaborer avec les Espagnols ? Inversement, des formes européennes peuvent s’orner d’une iconographie vernaculaire, comme cette coupe d’argent péruvienne du XVIIIe siècle, de forme totalement européenne, mais gravée de représentations de femmes incas.
L’exposition montre également plusieurs peintures de l’École de Cuzco, dont certaines sont présentées à côté de tissus, reconstituant ainsi ce qui devait être le décor domestique. Alors que ces tableaux sont à la fois très décoratifs et essentiellement religieux – à l’exception des portraits des rois incas que le musée a acquis l’an passé de la New York Historical Society –, la tradition mexicaine a suivi de plus près les modèles européens, comme en témoignent deux tableaux de Miguel Cabrera, le grand portraitiste de Mexico au XVIIIe siècle.
La première exposition d’art espagnol du XVe siècle jamais montée aux États-Unis évoque la variété des royaumes médiévaux de la péninsule ibérique en présentant simultanément les traditions chrétiennes, juives et islamiques établies jusqu’à ce que Ferdinand et Isabelle n’achèvent la Reconquista. L’exposition réunit vingt objets provenant de dix musées ou bibliothèques des États-Unis, ainsi que d’une collection particulière anglaise, pour montrer les différents aspects de l’art religieux, héraldique ou décoratif des royaumes catholiques d’Aragon et de Castille, ainsi que du royaume musulman de Grenade.
SPLENDEUR ARTISTIQUE DES ROYAUMES ESPAGNOLS : L’ART DU XVE SIÈCLE EN ESPAGNE au Isabella Stewart Gardner Museum de Boston, jusqu’au 7 avril.
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L’Amérique espagnole
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Abonnez-vous dès 1 €CONVERGING CULTURES : ART & IDENTITY IN SPANISH AMERICA (Cultures convergentes : art et identité dans l’Amérique espagnole), jusqu’au 14 juillet, Brooklyn Museum, 200 Eastern Parkway, Brooklyn, New York, tél. 718 638 5000. Phoenix Art Museum (décembre 1996-février 1997) ; Los Angeles County Museum of Art (30 mars-8 juin 1997).
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°24 du 1 avril 1996, avec le titre suivant : L’Amérique espagnole