À la fin du XVIIIe siècle, Varsovie a été une brillante capitale des Lumières, ouverte aux arts européens grâce à son monarque, Stanislas II Auguste.
COMPIÈGNE - Cherchez l’erreur. La première œuvre qui accueille le visiteur au Musée national du palais impérial de Compiègne (Oise) ressemble à s’y méprendre aux portraits royaux français en habit de couronnement. Pourtant, ce grand tableau n’est pas de Rigaud mais d’un peintre italien, largement méconnu en France, Marcello Bacciarelli (1731-1818). Et le roi figuré en prince des Lumières – mais avec un collier de diamants de l’ordre de l’Aigle blanc – n’est autre que le polonais Stanislas II Auguste (1732-1798). Élu roi de Pologne en 1764, celui qui a été l’amant de Catherine II de Russie – qui l’a poussé sur le trône de Pologne –, aura été un monarque atypique.
Ouvert à la philosophie des Lumières, Stanislas Auguste nourrit des rêves de grandeur pour son pays. En 1791, il promulgue la première constitution d’Europe : de quoi s’attirer les foudres des grandes familles mais aussi des puissances étrangères. L’utopie d’une Pologne indépendante sera de courte durée et l’échec cinglant. C’est en effet sous son règne que le pays est dépecé. En 1795, la Pologne cesse d’exister et tombe aux mains de la Prusse. Trois ans plus tard, Stanislas mourra en exil à Saint-Pétersbourg où Élisabeth Vigée-Lebrun, alors réfugiée en Russie, peindra un ultime portrait en monarque mélancolique (1797, Paris, Musée du Louvre, en dépôt au château de Versailles).
Collectionneur compulsif
Désastreux politiquement, son règne aura toutefois brillé sur le plan culturel. Alors que ses prédécesseurs avaient privilégié Dresde, Stanislas veut ériger Varsovie au rang de capitale des Lumières. Le « grand tour » de ses jeunes années lui a permis de s’initier aux goûts de l’époque. À Paris, où il se trouve entre 1753 et 1754, le jeune Stanislas a ainsi fréquenté le salon de Mme Geoffrin, où il a côtoyé Hubert Robert ou le marquis de Marigny. Stanislas devient un collectionneur compulsif, réunissant dans ses résidences un ensemble de plus de 2 250 tableaux, mais aussi un pléthorique cabinet d’art graphique. Ses héritiers disperseront l’ensemble pour éponger les dettes du monarque déchu, seuls 400 de ses tableaux figurant aujourd’hui dans les collections publiques polonaises.
Si la collection se voulait universelle, portraits et scènes de genre y figuraient toutefois en nombre, avec une nette prédilection pour l’école de Rembrandt. Revenu récemment au château de Varsovie grâce à un don particulier, le somptueux Savant à son pupitre (1641) de Rembrandt, prêté exceptionnellement à Compiègne, était l’une des pièces phare de la collection. Monarque protecteur des arts, Stanislas a aussi exercé son mécénat dans ses résidences, le château royal de Varsovie (rasé par les Allemands en 1944 et reconstruit quarante ans plus tard) et le luxueux palais d’été de Łazienki, confiant notamment des décors au Français Jean-Baptiste Pillement.
Signe d’une filiation assumée avec Dresde, Stanislas réussit aussi à faire venir Bernardo Bellotto, qui mourra à Varsovie après avoir peint quelques chefs-d’œuvre tardifs, une vingtaine de vedute et quelques tableaux historiques. Un remarquable portrait allégorique du fidèle Bacciarelli laisse enfin présager de la fin de l’histoire. Le Portrait de Stanilas Auguste à la clepsydre, dont il existe plusieurs versions (ici 1793, collection particulière française) figure le roi, la main appuyée sur un sablier, ayant posé sa couronne. Varsovie cessera pendant longtemps de briller en capitale de la Pologne.
Commissariat : Emmanuel Starcky, directeur des Musées et domaine nationaux du palais impérial de Compiègne ; Andrzej Rottermund, directeur du château royal de Varsovie ; Anita Chiron-Mrozowska, conservatrice au château royal de Varsovie ; Angela Soltys, conservatrice
Scénographie : Jean-Julien Simonot
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L’aigle blanc, monarque atypique
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Abonnez-vous dès 1 €Jusqu’au 4 juillet, Musée national du palais impérial de Compiègne, www.rmn.fr, tlj sauf mardi, 10h-18h. Catalogue, 160 p., 35 euros, ISBN 978-2-7118-5838-5
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°346 du 29 avril 2011, avec le titre suivant : L’aigle blanc, monarque atypique