Le Centre de création contemporaine de Tours offre à Pierre Bismuth un espace qu’il laisse en grande partie à l’expérience du spectateur, confronté davantage à des sons qu’à des images, d’un thème de jazz pour piano au clic de la souris d’un ordinateur.
TOURS - C’est plutôt par le vide qu’opère l’exposition de Pierre Bismuth, artiste français de 32 ans, vivant aujourd’hui à Bruxelles. Un vide plus propice ici à laisser circuler les sons d’une part, et les spectateurs de l’autre. Un vide enfin, qui souligne une absence, celle de l’artiste. Il s’est volontairement éclipsé pour donner à jouer de la partition qu’il élabore en deux mouvements, la plus ouverte des interprétations.
Dans le premier espace, assombri, il est question de choix, et plus particulièrement du choix de l’autre. Sur une vidéo, on voit défiler des individus devant une radio stéréo, dont ils viennent tour à tour changer la musique, sur la bande FM. Ailleurs, l’écran d’un ordinateur reproduit par vidéo projection une liste d’adjectifs synonymes.
Seules les voix des couples qui se sont succédés devant l’écran nous sont restituées, s’arrêtant sur un mot qui laisse apparaître à l’écran une nouvelle série de synonymes. Choisir dans la liste le mot qui a le plus de corps, celui qui posséderait le plus de résonance : le dictionnaire électronique vaut pour tous, et bien que le spectateur n’ait aucun pouvoir de décision réel, la pièce devient vite interactive.
Le piano joue tout seul
Au centre de la seconde salle, sous une clarté aveuglante, un piano à queue Yamaha joue tout seul. Sur ce même piano, Pierre Bismuth a interprété de mémoire Blue Monk, de Thelonious Monk, et la mémoire d’un ordinateur restitue ici ad libitum les écarts cette version. Même si le propos est différent, on ne peut s’empêcher de penser à la pièce commandée à Stan Douglas par la Fondation Cartier, Pursuit, Fair, Catastrophe : Ruskin B.C., présentée l’an dernier au Centre Georges Pompidou, et qui utilisait le même logiciel. Une partition transcrit par ailleurs sur le mode graphique les légers décalages.
La mélodie se heurte parfois aux entrechocs d’échafaudages que diffuse un petit moniteur vidéo, placé plus loin, sous vitrine. Un reportage y retrace le montage de La pièce de Châteauroux, une œuvre antérieure. Il est encore question ici de ses conditions de réception et d’interprétation, notamment par le commentaire du journal télévisé régional.
L’exposition analyse ainsi différents aspects des phénomènes d’enregistrement et de restitution, et piège ailleurs les dérapages qu’implique le langage, qui révèlent souvent autant de sens nouveaux qu’il n’en font perdre. Par contre, l’ensemble du dispositif plastique reste lui un peu trop figé dans un accrochage impeccable. À douter que cette télévision, ce poste de radio, ou cette partition puissent, eux aussi, avoir un jour la chance de choir de leur socle.
"Pierre Bismuth,/b> Study in Time and Motion", jusqu’au 11 juin. CCC, rue Racine, 37000 Tours, de 15h à 19h du mercredi au dimanche.
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L’absence
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°15 du 1 juin 1995, avec le titre suivant : L’absence