Cette thématique chère à l’artiste franco-algérien se déploie au Palais de Tokyo et dans une pièce de théâtre jouée à Marseille.
Paris et Marseille. Après la monographie que lui ont consacrée les Rencontres d’Arles en 2019, Mohamed Bourouissa (née en 1978) investit le Palais de Tokyo pour explorer la violence qui s’exerce sur certaines populations. Cette exposition dépasse largement dans son propos celle du LaM de Villeneuve-d’Ascq, organisée en amont, qui ne bénéficiait pas d’une aussi grande surface, ni de deux films inédits et glaçants, notamment Généalogie de la violence.
Ce film produit pour l’exposition parisienne rend particulièrement perceptible les tensions, les émotions et la sensation d’humiliation vécues lors d’un contrôle d’identité d’un jeune couple d’amoureux d’origine maghrébine conversant tranquillement la nuit dans une voiture avant d’être interpellé. La manière de filmer, le son, la musique appuient le basculement d’une conversation intime vers la peur face aux rapports de domination installés dès le début par le CRS puissamment équipé.
Changement de forme, mais pas de registre, avec le film d’animation sur Gaza du collectif Hawaf projeté pour la première fois au Palais de Tokyo dans une installation immersive réussie.
Réalisé avant la guerre actuelle, ce conte, onirique et métaphorique, met en scène une tigresse échappée d’un zoo, adoptée par un Gazoui qui vivra à ses côtés jusqu’à sa mort, au rythme des alertes de sirènes et des bombardements. Mohamed Bourouissa est un des cofondateurs de ce collectif créé en 2021 et rassemblant entre Gaza et Paris des artistes, des architectes, des chercheurs et des développeurs pour donner une visibilité à la scène artistique palestinienne à travers la création d’un musée virtuel, le Sahab Museum.
Les projets collaboratifs font partie de l’ADN de l’artiste depuis ses débuts et ses premières expositions au même titre que la recherche constante de nouvelles formes d’expression, comme la pièce de théâtre, Quartier de femmes, créée à partir d’ateliers d’écriture avec des détenues qu’il signe avec Zazon Castro. Lou-Adriana Bouziouane l’interprète, seule sur scène, et restitue la violence dans ses différentes composantes humaines avec une sobriété pleine de nuances.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°634 du 24 mai 2024, avec le titre suivant : La violence selon Mohamed Bourouissa