PARIS
Dites donc, Monsieur Signac, comment se fait-il que vous, l’anarchiste, vous invitiez-vous ainsi au Musée Jacquemart André ? Si les époux André n’ont sans doute pas manqué d’avoir vent de vos recherches néo-impressionnistes, ils étaient férus d’art d’ancien.
Mais qui sait si, au fond, ils n’auraient pas aimé voir s’inviter chez eux ces tableaux absolument modernes d’une famille de collectionneurs européens ? Ces tableaux permettent en effet de plonger avec poésie dans la vie et l’œuvre de ce peintre à la recherche de la touche la plus libre et la plus subtile pour exprimer les vibrations de l’air, les jeux de la lumière sur les rives de la Seine, puis sur les mers du nord et du sud de la France, de Saint-Briac à Saint-Tropez en passant par le mont Saint-Michel et par Venise. À travers quelque 70 œuvres de cette magnifique collection, se déploie non seulement le cheminement chromatique de Paul Signac, mais aussi le combat de cet artiste d’avant-garde, qu’on surnomma le « saint Paul du néo-impressionnisme », pour faire rayonner la technique de la division des tons sur la scène artistique parisienne. C’est ainsi que le visiteur (re)découvre au fil du parcours les œuvres de ses amis et disciples : Georges Seurat, mais aussi Théo Van Rysselberghe ou encore Maximilien Luce, qui s’intéresse au petit peuple parisien. D’une œuvre à l’autre, on s’émerveille que « la vague en poudre ose jaillir des rocs », pour reprendre le mot de Paul Valéry, contemporain de Signac, dans le Cimetière marin, tandis que s’éveille en nous le désir de respirer « l’air immense » de ces tableaux, comme chante le poète.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°744 du 1 juin 2021, avec le titre suivant : La vague en poudre