Avec « Le théâtre des objets », le Mamac consacre, via la commissaire Rébecca François, une exposition importante (plus de 300 œuvres et documents réunis sur 1200 m²) à Daniel Spoerri, artiste né en 1930 à Galati (Roumanie), à la fois membre du Nouveau Réalisme, proche de Fluxus et initiateur de l’Eat Art, à savoir un art qui se mange, s’attachant aux phénomènes socioculturels de l’alimentation.
Esquivant la rétrospective, cette manifestation malicieuse, à l’image de l’anti-illusionniste et démystificateur qu’est Spoerri, est à vivre telle une fête foraine, avec ses farces et attrapes, ses banquets, son train fantôme et ses cabinets de curiosités. Le circuit, ayant pour centre névralgique la réplique de la chambre 13 de l’hôtel Carcassonneà Paris, qui fut de 1959 à 1965 son lieu de travail et que le créateur considère comme « le lieu de naissance, en somme, de son identité artistique », se décline en trois axes forts qui renvoient tout autant à l’histoire intime de l’auteur qu’à la mémoire collective : l’objet présenté, qu’il soit poupée cassée pétrifiée, verre de vin fixé ou coupe-ongles mis sous vitrine, agit en nous, avec sa charge émotionnelle, telle une madeleine proustienne. À dire vrai, cette exposition foisonnante permet de prendre toute la mesure d’un grand plasticien dont, bizarrement, on n’avait pas connu de rétrospective en France depuis son exposition personnelle à Beaubourg dans les années 1990. Sur tous les plans, le « chef Daniel », fort inspiré par Duchamp, marque des points. De ses « tableaux-pièges » iconiques qui, en faisant basculer à la verticale des restes de repas, sont d’une efficacité optique redoutable, à ses archives dérisoires rejouant la collectionnite aiguë des musées à vouloir tout conserver, en passant par ses bordéliques banquets suscitant ravissement ou dégoût, on ne cesse ici, avec cet artiste iconoclaste mettant joyeusement les pieds dans le plat du kitsch, de remettre en question le statut même de l’art.
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À la table du restaurant Spoerri
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°750 du 1 janvier 2022, avec le titre suivant : À la table du restaurant Spoerri