Après avoir été présentée à Nice, au Musée Chagall, l’exposition “Della Robbia”? fait escale au Musée national de céramique à Sèvres. Son propos est de réhabiliter la production de cette importante famille de sculpteurs florentins, qui inventa au XVe siècle la sculpture en terre cuite émaillée. Conçue par deux conservateurs du département des Sculptures au Louvre, l’exposition oublie malheureusement qu’elle s’adresse à un public, qui repart sans savoir qui étaient les Della Robbia.
SÈVRES - Si l’on connaît les “chanteurs” en marbre sculptés par Luca della Robbia pour la cathédrale de Florence, en revanche, les œuvres en terre cuite vernissée de cette importante famille de sculpteurs florentins “ne suscitent plus depuis presque un siècle que réticence et perplexité”, écrit Henri Loyrette, président-directeur du Musée du Louvre, dans le catalogue de l’exposition. Cette dernière, présentée à Nice puis à Sèvres, se propose ainsi de “réhabiliter une des manifestations les plus originales et les plus caractéristiques de l’art de la Renaissance”, pour reprendre les termes de Jean-René Gaborit, conservateur en chef du département des Sculptures au Louvre et commissaire de l’exposition. Celle-ci n’atteint cependant pas son objectif, non en raison des pièces exposées – une cinquantaine de sculptures, souvent peu connues, conservées dans les collections publiques françaises –, mais du fait de la pauvreté des informations qui les accompagnent. Ni panneau introductif rappelant la généalogie des Della Robbia, ni commentaires relatifs à leur technique inédite (la sculpture en terre cuite émaillée), à leur clientèle ou à leurs suiveurs ne sont mis à la disposition des visiteurs, qui devront se reporter au catalogue (très bien fait au demeurant) pour en savoir plus. Par ailleurs, les études menées par le Centre de recherche et de restauration des musées de France (C2RMF) sur la majeure partie des pièces présentées (analyse des pâtes et des émaux utilisés) ne méritaient-elles pas un plus large écho que quelques lignes sur un cartel ?
Le secret des Della Robbia
Les Della Robbia furent actifs à Florence du milieu du XVe au premier tiers du XVIe siècle, époque particulièrement florissante pour les arts et la sculpture en particulier, la ville ne comptant pas moins de cinquante-quatre ateliers de sculpteurs dans la seconde moitié du XVe siècle. Issu, tout comme les Médicis, de la corporation des drapiers, Luca Della Robbia (1399/1400 ?-1482) fut le premier à rompre avec la tradition familiale et à se consacrer à la sculpture. Il réalisa des œuvres en marbre, en bronze et surtout en terre vernissée. “La grande réussite de Luca Della Robbia fut en fait d’avoir associé à la pratique, bien établie à Florence, de la terre cuite modelée, les acquis de l’art de la majolique dans l’utilisation de l’émail”, explique Jean-René Gaborit. Les sculptures, exécutées par modelage, moulage ou estampage, subissaient une première cuisson avant d’être totalement ou partiellement recouvertes d’émail polychrome, vitrifié par une seconde cuisson. Trois générations de Della Robbia utilisèrent ce procédé – Luca, son neveu Andrea (1435-1525), puis les fils de ce dernier –, qui connut un succès considérable pour des raisons à la fois économiques (coût moins élevé que le marbre) et esthétiques (possibilité de jouer sur une large gamme de couleurs). Divulgué, selon la légende, par l’une des femmes du clan à Benedetto Buglioni, il permit la création puis l’essor d’une officine rivale, qui finit par évincer la bottega (“l’atelier-boutique”) des Della Robbia. Présentées par grandes catégories (retables, petites sculptures, mobilier liturgique...), les œuvres des deux ateliers se côtoient dans l’exposition. Elles ornaient à l’origine églises et palais toscans, intégrées dans le décor architectural – comme ces quatre médaillons à l’effigie des saints François, Augustin, Madeleine et Jean-Baptiste –, ou constituaient des éléments de mobilier liturgique, à l’image de deux beaux anges porte-candélabres. Attribués à Giovanni Della Robbia (1469-1529), fils d’Andrea, ils associent finesse du modelé, souplesse de l’attitude et intensité de la glaçure. “C’est précisément l’exceptionnelle qualité du modelage qui place l’art des Della Robbia largement au-dessus de toute production artisanale”, souligne Jean-René Gaborit. La production de retables fut également très prolifique, donnant lieu à de vastes compositions constituant parfois un véritable tour de force technique (L’Ascension, atelier d’Andrea Della Robbia). Pour les nécessités de la cuisson, les sculptures devaient en effet être évidées et, lorsqu’elles étaient trop grandes, découpées. Passés maîtres dans la sculpture monumentale, les Della Robbia étaient tout aussi réputés pour leurs petites figurines, religieuses, tel Saint Jérôme pénitent, ou profanes, comme La Dovizia [“La Richesse”]. Ils méritaient peut-être plus bel hommage que cette exposition.
Jusqu’au 10 mars au Musée national de céramique, place de la Manufacture, 92 310 Sèvres, tél. 01 41 14 04 20, tlj sauf mardi, 10h-17h. Catalogue éd. RMN, 168 p., 29 euros.
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La saga Della Robbia
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°164 du 7 février 2003, avec le titre suivant : La saga Della Robbia