Il fut un temps, pas si lointain, où le simple fait de montrer des images non conformes à l’idéologie officielle était considéré comme « pornographique ». Cela se passait en URSS, et seul le KGB avait pouvoir de décision sur les tendances artistiques. Aujourd’hui, les choses sont à la fois plus simples et plus compliquées. Certes, un photographe comme l’Ukrainien Boris Mikhailov peut travailler à sa guise, il n’y a plus de petit père des peuples penché sur son épaule. Mais la réalité – naguère si évidente, si calibrée – échappe dorénavant à la prise de vue la plus élémentaire. Comment traduire, aussi, le sentiment d’oubli, l’avenir en vacance, le paysage mental en jachère ? L’ivresse pour cache-misère ? La lente apocalypse ? Mikhailov, comme beaucoup de ses contemporains, voudrait pourtant laisser dans l’Histoire la trace de ces moments de rupture avec l’ordre ancien, qui ne semblent pas déboucher sur du neuf très palpitant. À sa manière, qui est celle d’un véritable artiste usant de toutes les ressources de son médium, il dresse des constats, tisse avec des riens la trame d’un quotidien lui-même fait de rien. Fuyant toute dramatisation qui ne ferait de nous que les voyeurs, rassurés, de la misère des autres, il brosse les paysages fanés d’une humanité en déshérence, élargit en panoramiques un monde aux horizons immenses où l’on se plaira, parfois, à respirer le même air que les photographes de la FSA – plus de soixante ans après.
Centre national de la Photographie, jusqu’au 24 avril.
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La Russie de Mikhailov
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°505 du 1 avril 1999, avec le titre suivant : La Russie de Mikhailov