Indépendant, Charles Lapicque a peint en marge des courants artistiques dominants. Pourtant, ses toiles violentes et ses dessins « sarcastiques » font de lui un devancier du postmodernisme.
Charles Lapicque est un personnage qui dérange. Le pari scabreux qu’il a toujours tenu face à certains courants majoritaires de la peinture place aujourd’hui son œuvre au centre de la plus brûlante actualité », écrit le critique d’art François Pluchart en 1984. Bien qu’il ne revendiquât jamais aucune volonté de rupture avec son époque, Charles Lapicque resta insensible aux courants des années 1920-1930 et travailla à l’écart des cercles d’artistes de sa génération, créant une œuvre originale et déroutante pour beaucoup. « J’ai mené mon œuvre sans m’occuper des autres », écrivait-il.
Intitulée « Charles Lapicque, le dérangeur », l’exposition issoldunoise présente une soixantaine de tableaux inédits ainsi qu’une quarantaine de dessins qui mettent en avant toute l’originalité de ce peintre indépendant et libre, ainsi que l’influence qu’il a eue sur les autres générations d’artistes.
Un avant-goût de la modernité
Si de nombreux critiques lui reprochèrent ses dissonances, son « graphisme sarcastique », ses volte-face entre l’abstraction et la figuration, beaucoup reconnurent son audace, son talent et sa capacité à faire table rase des théories de l’époque. Dans sa peinture, il affirme dès l’après-guerre un choix pour la figuration et lorsque, dans les années 1940, il utilise un vocabulaire non figuratif, ce n’est que pour « rendre l’abstrait figuratif ». Ainsi, dans ses dessins « automatiques », il rejettera ceux qui lui semblent trop abstraits et ne gardera que ceux qui ont un lien avec la figure.
Toute sa vie, il ne cessera d’inventer de nouveaux procédés et techniques pour mieux représenter ou suggérer la réalité. Ainsi, pour traduire le mouvement, notamment dans ses œuvres ayant le sport pour thématique (Le Tennis, 1965), il utilise le cloisonnement des couleurs et multiplie les perspectives pour traduire l’action non pas seulement comme elle se voit, mais aussi comme elle se ressent.
En mettant au point son « système grille » qui lui permet de renverser l’usage de la disposition des couleurs dans l’espace et de créer une palette chromatique inédite (voir Jeanne d’Arc traversant la Loire, 1940), il entraîne les autres artistes dans son sillage et ouvre la voie à Bazaine, Manessier, Le Moal, de Staël, ou encore Singier.
En 1949, il est l’un des premiers à introduire la narration dans son œuvre à la façon d’une bulle de dessin animé (Bataille de Waterloo, 1949), une technique qui anticipe la Figuration narrative et des artistes comme Jacquet et Rancillac. Enfin, le caractère kitsch de ses compositions, la saturation de la figuration, la recherche de thèmes classiques font de lui l’un des précurseurs de la Figuration libre et du Bad Painting.
Informations pratiques. « Charles Lapicque (1898-1988), le dérangeur » du 7 mars au 1er juin 2009. Musée de l’Hospice Saint-Roch, Issoudun (36). Du mercredi au vendredi de 14 h à 18 h, samedi et dimanche de 10 h à 12 h et de 14h à 18h. Visites libres et gratuites. Tél. : 02 54 21 01 76.
Itinérance. L’exposition, montée en collaboration avec deux autres musées en France, voyagera tout au long de l’année 2009 :
• Du 20 juin au 12 octobre 2009 au musée d’Unterlinden, Colmar (68). Tous les jours de 9 h à 18 h. Tarifs : 7 et 5 euros. www.musee-unterlinden.com
• Du 20 décembre 2009 au 25 avril 2010 au musée de l’Abbaye Sainte-Croix, Les Sables-d’Olonne (85). Tous les jours sauf le lundi de 14 h 30 à 17 h 30. Tarifs : 4,60 et 2,30 euros. Tél. : 02 51 32 01 16.
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La révolution en douceur de Lapicque
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°611 du 1 mars 2009, avec le titre suivant : La révolution en douceur de Lapicque