Comment a-t-on pu l’oublier ? Ou du moins le reléguer au second rang ? À l’exception de son œuvre la plus célèbre, L’Invention du dessin, le reste de la production de Joseph-Benoît Suvée n’est en effet plus connu que d’une poignée de spécialistes et d’amoureux du néoclassicisme.
Le sous-titre de sa toute première rétrospective - « Face à David » - apporte un élément de réponse à cette question qui taraude le visiteur de cette remarquable exposition. Le peintre a en effet eu le tort d’être le contemporain de Jacques-Louis David, qui fait aujourd’hui de l’ombre aux peintres de cette période charnière au tournant des XVIIIe et XIXe siècles. Pourtant, il n’en a pas toujours été ainsi.
Au contraire, David fut même considéré comme moins talentueux que Suvée, notamment lors du concours au grand prix de Rome de 1771, qui le couronna de lauriers et lui ouvrit la voie royale de pensionnaire de l’Académie de France à Rome. À compter de cette compétition, David nourrira une haine tenace envers le lauréat et tentera de saboter sa carrière. En pleine Terreur, le mauvais perdant essaiera même de l’envoyer à l’échafaud en le faisant emprisonner sur une dénonciation calomnieuse ! Durant les deux mois d’angoisse et de mélancolie passés à la prison Saint-Lazare, Suvée composera plusieurs portraits, dont trois particulièrement émouvants, réunis ici pour la première fois.
Ce rassemblement pertinent d’œuvres n’est que l’un des nombreux dialogues efficaces et savoureux de cette manifestation ambitieuse. En une centaine de tableaux et de dessins, elle retrace ainsi non seulement une carrière qui mérite de se retrouver à nouveau sous le feu des projecteurs, mais aussi un destin romanesque et attachant. L’éclectique sélection d’œuvres a également pour mérite de souligner son rôle essentiel parmi les artistes de sa génération, mais, surtout, elle donne à voir de la très belle peinture, dont quelques morceaux de bravoure. À l’instar de ses drapés blancs d’une maestria et d’une sensualité éblouissantes. Bref, une exposition aussi enthousiasmante que nécessaire.
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La revanche de Suvée
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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°708 du 1 janvier 2018, avec le titre suivant : La revanche de Suvée