Renaissance

A la Renaissance, la peinture est aussi une affaire de femmes

Par Margot Boutges · lejournaldesarts.fr

Le 22 décembre 2018 - 541 mots

GAND / BELGIQUE

Le Musée des Beaux-Arts de Gand dresse les portraits singuliers de huit peintres femmes italiennes de la Renaissance.

Sofonisba Anguissola Autoportrait
Sofonisba Anguissola (1535–1625), Autoportrait au chevalet, 1556, huile sur toile, 66x57 cm
Photo Dcoetzee

Il reste encore un mois pour visiter l'exposition que le Musée des beaux-arts de Gand consacre à plusieurs femmes artistes italiennes des XVIe et XVIIe siècle. « C'est une exposition dans l'air du temps », commente Alain Tapié, conservateur en chef honoraire des musées de France, un des trois commissaires. Car depuis, plusieurs années, Artemisia Gentileschi suscite l’intérêt. Celle dont le rôle dans l'histoire de l'art a longtemps été résumé aux tourments de sa vie personnelle a bénéficié ces dernières années de rétrospectives (à Milan, à Paris ou à Rome) qui ont eu la vertu de se focaliser sur sa peinture. 

Le musée flamand poursuit la démarche mais voit encore plus grand. Sans prétendre à l’exhaustivité – il n'expose qu'une cinquantaine de tableaux - ce n'est pas l'œuvre de une mais de huit femmes ayant fait de la peinture leur métier que cette exposition se propose de présenter. 

Les commissaires auraient pu choisir de classer ces tableaux par thèmes – il aurait été tentant de consacrer une section aux seuls autoportraits ou dresser une étude psychologique des scènes figurant des femmes marquant leur domination sur les hommes – mais il a été fait un choix plus individualisant : c'est par ordre chronologique que le musée a choisi de dérouler ces artistes. 

A Sofonisba Anguissola (1532-1625) succèdent ainsi Lavinia Fontana (1552-1614), Fede Galizia (1578-1630), Artemisia Gentileschi (1593-1652), Orsola Maddalena Caccia (1596-1676), Giovanna Garzoni (1600-1670), Virginia Vezzi (1601-1638) et Elisabetta Sirani (1638-1665). Ce découpage par artiste a le mérite de montrer que ces femmes artistes ne peuvent être résumées à un archétype, même si certaines ont d'incontestables points communs, le premier étant que cinq d'entre elles ont accédé à la profession en se formant dans l'atelier de leur père.

Profils variés

L'accrochage fait état de profils artistiques extrêmement variés. La méconnue Orsola Maddalena Caccia se consacra à la vie religieuse à Moncalvo tout en pratiquant la peinture. Cloîtrée dans un couvent, elle a réalisé quantité de retables religieux dans un style très descriptif assez indifférent aux évolutions de son temps, qu'elle tenait de son père. Mais ses œuvres de bonne facture ne peuvent en rien rivaliser avec le talent que déploya Sofonisba Anguissola. L'exposition rassemble plusieurs chefs-d'œuvre nés du pinceau de cette artiste qui gagna les faveurs de la cour d'Espagne et que loua beaucoup Vasari. Deux d'entre eux, venus de Pologne, montrent combien l'artiste excellait à saisir l’expression de ses personnages. Son Autoportrait (après 1556) au chevalet est une magnifique marque d'affirmation de soi et de la maîtrise de ses moyens d'expression. Son Portrait des sœurs de l'artiste jouant aux échecs (1555) est quant à lui un échantillonnage très dynamique d'attitudes où le visage de la cadette – très facétieux – est particulièrement irrésistible. 

Née vingt ans après Sofonisba, Lavinia Fontana fut une des artistes les plus recherchées de Bologne, comme en témoigne son Vénus et Cupidon (1592, musée des beaux-arts de Rouen) reprenant les traits d'Isabella Ruini, qui comme d'autres nobles dames de la ville, avait jeté son dévolu sur la préciosité du pinceau de la portraitiste. Sofonisba Anguissola et Lavinia Fontana constituent incontestablement deux artistes majeures qui bénéficieront d'ailleurs en 2019 d'une exposition croisée au Prado.

Les dames du baroque,

Musée des beaux-arts, jusqu'au 20 janvier, Fernand Scribedreef, 9000 Gand, Belgique

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