Une journée en utopie : l’invitation est tentante, surtout en ces temps troubles. Le cadre (le Familistère de Guise) et l’histoire du lieu s’y prêtent.
La cité idéale, conçue de 1859 à 1884 par Jean-Baptiste André Godin à une centaine de mètres de la manufacture de poêles et cuisinières en fonte, demeure un modèle du genre. Inspiré du phalanstère de Charles Fourier, elle a été en son temps un modèle précurseur d’habitations et d’organisation sociales. Ce n’est pas la première fois que le thème de l’utopie s’inscrit en fil conducteur des manifestations régulièrement programmées dans le bâtiment central aux allures de palais. En revanche, l’association des deux fonds régionaux d’art contemporain de la région des Hauts-de-France pour concevoir une exposition sur ce thème à partir de leurs collections est inédite. Elle s’avère surtout particulièrement réussie par la sélection des pièces et leurs dialogues. Dans la cour centrale, les deux cents parapluies oubliés par leurs propriétaires et rassemblés par l’artiste japonais Kohei Sasahara pour constituer un abri précaire forment ainsi une belle métaphore de ces histoires individuelles disparates rassemblées pour fournir un toit à tout un chacun. L’utopie est une puissance critique, mais aussi poétique, de nos sociétés et de nos rapports aux autres, que Pascal Neveux (directeur du Frac Picardie) et Keren Detton (directrice du Frac Grand Large) développent en quatre parties distinctes, chacune « logée » dans un appartement du Familistère. De l’un à l’autre, atmosphères et réflexions diffèrent selon que la question de l’utopie touche à la sphère domestique, de l’entreprise, des loisirs, de la révolte ou de la relation homme-femme. Du Old Masters d’Oriol Vilanova, concentré de cartes postales d’œuvres de Matisse, chinées et placées dans les poches de la veste de travail de l’artiste, à la vidéo Hard to Love de Tarek Lakhrissi, aucune pièce d’artiste qui ne trouve sa juste place et ne dialogue au mieux. « L’utopie est comme l’amour, elle se passe de mode », écrit en conclusion l’écrivain Boris Bergmann, invité à écrire les textes courts introduisant à chaque partie, et son souffle en ces lieux réveille les esprits.
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La puissance critique de l’utopie
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°747 du 1 octobre 2021, avec le titre suivant : La puissance critique de l’utopie