VERSAILLES
Cinq créateurs ont été invités à créer une œuvre pour le château de Versailles. Éric Poitevin, Dove Allouche et Viviane Sassen ont conçu les œuvres les plus fines.
Versailles. Depuis 2008, le château de Versailles invite un artiste contemporain de renom à produire des œuvres en résonance avec l’histoire du monument. De Jeff Koons à Olafur Eliasson en 2016, en passant par Takashi Murakami en 2010 et Anish Kapoor en 2015, la tendance jusqu’à présent n’était pas à la photographie. L’invitation faite en 2018 à Hiroshi Sugimoto a changé cette inclination, y compris au niveau des espaces investis, désormais circonscrits au domaine de Trianon.
Cette année, les photographes conviés à créer une œuvre dans le cadre de l’exposition « Versailles – Visible/invisible » ne sont pas moins de cinq. Le choix de Dove Allouche, Nan Goldin, Martin Parr, Éric Poitevin et Viviane Sassen a été pensé par ses commissaires, Alfred Pacquement et Jean de Loisy, comme un équilibre entre célébrités et artistes référencés par le milieu professionnel mais moins connus du grand public. C’est d’ailleurs les créations de ces derniers qui séduisent le plus. Les angéliques officinales d’Éric Poitevin, présentées dans l’orangerie de Jussieu, développent leur belle nature tandis que les étonnantes strates de couleur naturelle du gypse révélées par Dove Allouche dans la galerie des Cotelle [voir ill.] ravissent l’œil. Leur accrochage dans l’allée centrale entre les vingt et une peintures de Jean Cotelle sur les jardins de Versailles et de Trianon relève de l’exploit, car concevoir une scénographie pour de tels lieux n’est pas une mince affaire. Hala Wardé et son agence HW architecture s’en sortent plutôt bien concernant ces deux artistes, mais se montrent moins habiles pour Martin Parr présenté au Pavillon frais. La physionomie de cette délicieuse petite salle à manger d’été se voit totalement défigurée par les cimaises de ses photographies sur les visiteurs du château de Versailles. Le travail déçoit. Le photographe britannique, qui curieusement n’était jamais venu au château jusqu’à cette occasion, décline la vision des sites touristiques qui est la sienne. Martin Parr fait du Martin Parr.
Le travail de Nan Goldin, qui porte sur les canalisations souterraines des Grandes Eaux de Versailles et sur les figures féminines sculptées des jardins, est révélatrice de la difficulté qu’a rencontrée l’artiste à s’emparer des lieux. Si certains grands formats des canalisations de fontaines impressionnent, tel n’est pas le cas de ses images de sculptures ; le fond sonore qui les accompagne, réalisé à partir d’extraits, lus par des actrices célèbres, de la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne rédigée par Olympe de Gouges en 1791, ne parvient pas à leur donner consistance.
Le diaporama de Viviane Sassen dans le salon des Jardins est nul doute le temps fort de cette édition. La photographe néerlandaise qui évolue parallèlement dans le monde de la mode démontre ici son talent à s’approprier le thème de l’amour et à lui donner une forme riche en contenus.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°527 du 5 juillet 2019, avec le titre suivant : La photographie revient au domaine de Trianon