Au seuil des années 1890, Camille Claudel et Auguste Rodin séjournent plusieurs étés au château de l’Islette, à deux kilomètres d’Azay-le-Rideau.
Là, près de l’eau et sous les frondaisons, les artistes s’aiment tumultueusement, confidentiellement. Il travaille à son Balzac, tandis qu’elle demande à Marguerite Boyer, la petite-fille de son hôtesse, de poser pour elle. Soixante-deux heures de pose plus tard, la sculptrice modèle une œuvre magnétique, d’une simplicité ambiguë. La fillette, plus vraie que nature, s’offre dans sa vulnérabilité. Sa peau vibre et tremble, accroche la lumière. Son vérisme extraordinaire est contredit par sa chevelure à jour, indomptée et enchevêtrée. Ce buste à l’italienne, qui emprunte aux sculptures florentines de la Renaissance, rappelle le portrait que Claudel fit de son jeune frère Paul en Jeune Romain (1884-1887) où, déjà, la jeunesse semblait habitée par une gravité d’un autre âge. À quoi tient l’innocence perdue de cette fillette qui, « ouverte sur les mystères éternels », « communique une angoisse profonde » (Mathias Morhardt) ? Aux amours contrariées du couple adultérin ? À la grossesse interrompue dont Camille Claudel essaie de se remettre en ce château consolateur ? En 1895, par l’intermédiaire d’Antoine Bourdelle, l’industriel Henri Fontaine commande à Camille Claudel un buste en marbre d’après cette tête délicatement modelée, dont il existera bientôt plusieurs versions. D’une grande virtuosité technique, ce buste ivoirin, poli à l’os de mouton, trahit les désirs d’émancipation d’une artiste et d’une femme, soucieuse de trouver sa voie, loin des sentiers trop battus. Grâce à la première souscription publique jamais organisée par un musée français, l’œuvre est acquise en 1996 par La Piscine de Roubaix, dont elle est désormais l’indiscutable joyau.
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"La Petite Châtelaine", de Camille Claudel
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°735 du 1 juillet 2020, avec le titre suivant : "La Petite Châtelaine", de Camille Claudel