La peinture avec et sans stratégies

Le spectateur se trouve ainsi successivement confronté à des œuvres d’artistes professionnels et à d’autres réalisées par des personnes sans connaissances artistiques particulières, et ayant souvent vécu en marge de la société. On peut ainsi passer d’une exposition très pointue dans le champ de l’art savant, « Déplacer, déplier, découvrir », à une exposition tout aussi stimulante, mais vraiment pas pour les mêmes raisons, qui réunit deux cent cinquante œuvres issues de la collection suisse d’Art brut de Korine et Max E. Ammann.

Tout l’intérêt de la première exposition réside dans les stratégies développées par cinq artistes, Simon Hantaï (1922-2008), Martin Barré (1924-1993), Marc Devade (1943-1983), Jean Degottex (1918-1988) et Michel Parmentier (1938-2000), pour rester attachés à une pratique picturale, alors que leur environnement culturel immédiat les poussait à abandonner la peinture, perçue comme une pratique historiquement dépassée en cette fin du XXe siècle. Chacun aborde à sa façon le tableau comme un territoire aux potentiels jamais épuisés. Parmentier avec retenue et pudeur, Devade et Degottex avec une très contrôlée profondeur graphique ou colorée, Hantaï avec ses pliures « à l’aveugle » et Barré avec sa bombe de peinture noire.

La deuxième exposition nous conduit au pays des rêves incontrôlés, là où tout est possible. Seul importe l’exercice d’une stupéfiante fantaisie, dans la jouissance de faire émerger des présences d’humanité.