La construction de ce personnage hybride et mythique et sa représentation dans l’histoire de l’art sont expliquées de façon limpide au monastère royal de Brou.
BOURG-EN-BRESSE - Très claire. Ainsi peut-on qualifier l’exposition qui se tient actuellement au monastère royal de Brou, à Bourg-en-Bresse (Ain), la première consacrée en France à la figure de Marie-Madeleine dans l’art à travers les siècles. De tous les saints qui composent le panthéon chrétien, le personnage de Marie-Madeleine n’est pourtant pas le plus aisé à cerner, même s’il fut sans doute l’un des plus représentés. Son histoire est beaucoup moins linéaire que celle, par exemple, d’un saint Martin qui fait actuellement l’objet d’une (belle) exposition au Musée des beaux-arts de Tours (lire le JdA no 466, 28 octobre 2016).
Car loin d’être une et indivisible, Marie-Madeleine est issue de la fusion de trois femmes citées par les Évangiles, que le pape Grégoire le Grand a, en 591, réunies définitivement en une seule et même sainte. C’est ainsi du mélange d’une courtisane anonyme (qui a usé de son parfum pour oindre les pieds du Christ), de Marie de Béthanie (qui a reçu le Christ dans sa maison et obtenu la résurrection de son frère Lazare) et de Marie de Magdala (à qui le Christ est apparu après sa résurrection) qu’est née Marie-Madeleine, pécheresse devenue une des principales disciples du Christ. Le panneau d’introduction résume de manière limpide la construction complexe du personnage. Et le reste de l’exposition est au diapason: une médiation écrite aussi maniable dans sa forme qu’accessible sur le fond (on apprécie le petit lexique expliquant les termes complexes) ; un parcours qui, sans brader son contenu scientifique, est très pédagogique.
Se faire peindre en Marie-Madeleine
Au sein de la belle salle capitulaire du monastère, un circuit thématique a été retenu pour présenter étape par étape les moments-clés de l’histoire de la sainte. Sept sections égrènent ainsi les représentations de Marie-Madeleine : en courtisane tenant un flacon de myrrhe ; oignant les pieds du Christ pendant le repas chez Simon ; demandant la résurrection de Lazare ; se tenant aux côtés du Christ durant la Passion ; rencontrant le Christ ressuscité dans le jardin ; subissant sa pénitence, et enfin, élevée au ciel par des anges. Ce cheminement narratif n’est pas un cours de catéchisme pour autant. C’est bien la manière dont les artistes se sont attachés à représenter la Madeleine, du Moyen Âge à nos jours, qui est au cœur du propos. En témoignent ces portraits de femmes de haute lignée ayant succombé à la mode de se faire peindre en Marie-Madeleine tenant la myrrhe dans les Pays-Bas du début du XVIe siècle. Ou ces œuvres, typiques du XVe-XVIe siècle allemand, montrant le corps de la sainte recouvert d’une épaisse toison de poils afin de renforcer son caractère érémitique. Ou encore ces Madeleine pénitentes que le XIXe siècle a de plus en plus érotisées.
Le rassemblement d’œuvres est impressionnant. Mobilisant environ 80 prêteurs, du Musée d’Orsay au Palais des beaux-arts de Lille en passant par le château de Blois, l’exposition établit un bel équilibre entre les différents médiums, les époques et les sujets représentés. Au sentiment de clarté s’ajoute la délectation.
Commissaires : Pierre-Gilles Girault, administrateur ; Magali Briat-Philippe, conservatrice du patrimoine, monastère royal de Brou
Nombre d’œuvres : 116
Itinérance : du 24 février au 24 mai 2017 au Musée des beaux-arts de Carcassonne ; du 17 juin au 24 février 2017 au Musée de la chartreuse de Douai
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La Passion Marie-Madeleine
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Abonnez-vous dès 1 €Jusqu’au 5 février 2017, Monastère royal de Brou, 63, boulevard de Brou, 01000 Bourg-en-Bresse, tlj 9h-12h et 14h-17h, entrée 7,50 €, www.monastere-de-brou.fr. Catalogue, 213 p., 25 €
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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°469 du 9 décembre 2016, avec le titre suivant : La Passion Marie-Madeleine