Le Jeu de paume détaille en quelques séries marquantes les préoccupations sociales et culturelles finement mises en scène par la photographe américaine.
Pour la première exposition monographique dans une institution européenne de l’artiste américaine, le Jeu de paume, en association avec la Haus der Kunst de Munich et la Foundation for the Exhibition of Photography, a choisi pour fil directeur les œuvres représentatives des questions qui préoccupent Lorna Simpson depuis plus de trente ans et qui portent en elles les évolutions de son travail. En point de départ cependant ne figure aucune de ses premières photographies réalisées dans la veine de la street photography, du temps où elle était étudiante à la School of Visual Arts à New York puis à l’Université de Californie à San Diego. Le marqueur du début de l’œuvre ne se trouve, ni pour Lorna Simpson ni pour Joan Simon, commissaire de l’exposition, dans cette production documentaire. Il est dans Gestures/Reenactments (« Gestes vécus/Gestes rejoués »), présenté dans la première salle du parcours.
Ce premier montage photo-texte réalisé en 1985 inaugure la réflexion de Simpson sur l’histoire culturelle afro-américaine, la question raciale et sexuelle comme sur le rapport entretenu entre identité et mémoire, réalité et fiction. En six photographies noir et blanc accompagnées d’un récit sous la forme du souvenir d’une conversation sans lien direct avec elles, le corps noir sculptural d’un homme habillé d’un tee-shirt et pantalon blancs, et cadré à chaque fois sur une partie de son corps, tourne en six séquences sur lui-même sans que jamais sa figure n’apparaisse au complet.
Idem pour Waterbearer (1986), dans laquelle l’image d’une femme noire vêtue d’une robe blanche, photographiée de dos une cruche argentée dans une main, un bidon en plastique d’eau dans l’autre, est accompagnée d’un bref texte incisif : « Elle le vit disparaître près de la rivière. Ils lui demandèrent de raconter ce qui s’était passé. Mais ce fut seulement pour faire fi de sa mémoire. »
L’image chez Lorna Simpson est un document témoin, un argument d’analyse critique que son art du cadrage et du récit, nourri de tradition orale et de poésie, amplifie. Photographies, dessins, sérigraphies ou vidéos, l’artiste née à Brooklin en 1960 dans une famille engagée dans la lutte contre la ségrégation interroge le réel, réactive subtilement la mémoire, ceci avec une grâce implacable.
jusqu’au 1er septembre, Jeu de paume, 1, place de la Concorde, 75008 Paris, tél. 01 47 03 12 50, tlj sauf lundi et jf, mardi 11h-21h, mercredi-dimanche 11h-19h, www.jeudepaume.org Catalogue, coéd. Jeu de paume/FEP, DelMonico Books-Prestel Publishing, 49,95 €.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
La grâce de Simpson
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°395 du 5 juillet 2013, avec le titre suivant : La grâce de Simpson