À Strasbourg, le compositeur et plasticien franco-libanais Zad Moultaka présente Combattimento II, un triptyque musical spécialement conçu pour le festival Musica dans lequel il réinvente le Combattimento di Tancredi e Clorinda de Claudio Monteverdi.
Tout commence par une première partie musicale créée par Zad Moultaka à partir du texte et des instruments du livret de l’œuvre de Monteverdi. La deuxième partie, cette fois-ci entièrement électroacoustique inspirée de Monteverdi, plonge peu à peu l’auditoire de la paroisse Sainte-Aurélie dans l’obscurité, ouvrant ainsi un espace fantasmatique où peuvent se projeter, tels des phosphènes figuratifs, rêves, souvenirs ou inconscient de chacun, en écho à la perception des vibrations musicales. L’expérience rappellera aux cinéphiles les 2,5 minutes inaugurales de noir total sur fond sonore de György Ligeti, compositeur cher à Zad Moultaka, qui précède la création du monde dans 2001 L’Odyssée de l’espace de Stanley Kubrick. Ici, à Strasbourg, le fond noir de Zad Moultaka précède le « surgissement » de la troisième partie du Combattimento, interprété cette fois-ci en pleine lumière dans sa version monteverdienne,telle la lumière irradiant les toiles sombres des ténébristes du XVIIe siècle qui révèle l’existence de la forme surgissant de l’obscurité ; l’utilisation du noir dans la mise en scène du Combattimento II est bien celle d’un plasticien. Comme dans une nature morte de Francisco di Zurbarán (1598-1664), le noir du Combattimento II – que l’on retrouve dans sa série photographique Astres fruitiers – fait surgir la beauté sombre de l’humanité mortifiée d’un Tancrède tuant celle qui l’aime, croyant triompher de l’ennemi. Aveuglement fatal des hommes qui s’entretuent dans des guerres fratricides hier comme aujourd’hui, autant d’échos des souvenirs d’un passé à la noirceur indélébile pour l’artiste né en 1967 au Liban : la guerre. « Le noir serait une substance qui relie le présent au passé, signe de l’intemporalité de la violence », dit ce dernier. Conférant une dimension mystique à la musique, le Combattimento II de Zad Moultaka rappelle, comme le ténébrisme à son époque, que la spiritualité peut surgir de la noirceur.
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La force obscure de Zad Moultaka
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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°705 du 1 octobre 2017, avec le titre suivant : La force obscure de Zad Moultaka