De 1919 à 1922, Chaïm Soutine (1893-1943) a séjourné à Céret, petite ville des Pyrénées-Orientales de moins de 8 000 habitants. Il y a réalisé des paysages, portraits et natures mortes caractérisés par une facture énergique, une pâte épaisse, où couleurs et objets s’interpénètrent. Le Musée d’art moderne de Céret a décidé de mettre en relation les œuvres et les sites correspondants. D’autres toiles peintes pendant la période (dans les environs, à Vence, Cagnes-sur-Mer ou Paris) complètent l’exposition.
CÉRET - Durant son séjour à Céret, de 1919 à 1922, Soutine a peint un ensemble considérable de toiles, “les tableaux Céret”. Bien plus qu’un style, Céret est un lieu, un motif qui a retenu l’attention du peintre. Le Musée d’art moderne de la ville a répertorié les tableaux (paysages, natures mortes et portraits) exécutés en identifiant les coins de ville et de campagne représentés, les personnes qui ont posé pour lui. Chaque œuvre est ainsi accompagnée de la photographie du lieu référencé prise sous le même angle. Durant trois ans, loin des modes, des galeries et des musées, Soutine est seul face à lui-même, il peut tout oser, tout entreprendre. Les paysages, portraits et natures mortes qu’il réalise à Céret se caractérisent par l’aplatissement, une tendance à rabattre les formes vers les bords du tableau. Parmi ses lieux de prédilection, Soutine attache une importance particulière à l’église Saint-Pierre, fleuron de l’architecture de la vieille ville et au Couvent des Capucins, peint de diverses manières ; d’abord avec une perspective très éloignée puis se rapprochant peu à peu du lieu. La place de la Liberté (nommée place du Château, à l’époque) compte également parmi ses sujets favoris, avec ses platanes extrêmement élancés soumis à une violente contorsion.
Le paysage comme mode d’expression
La manifestation se prolonge grandeur nature puisqu’une dizaine de panneaux, reproduisant les œuvres de Soutine, ont été disposés dans la ville afin de guider les promeneurs. Pour la première fois, les œuvres sont en prise directe avec le paysage. Le travail d’après nature a permis à l’artiste de ressentir, dominer et transformer la réalité extérieure. Dans ses paysages colorés quasi abstraits, les collines sont peintes dans une puissance de couleurs et de déformation intense, évoquant un désordre apocalyptique, une brutalité latente. Des maisons, seuls éléments identifiables, sont esquissées sur le sommet. Les différents plans s’entrechoquent et fusionnent pour devenir inséparables. L’atmosphère faite de lumière, d’air et de vent a une consistance palpable, une densité étourdissante. Cette force intense semble particulièrement propre au séjour de Soutine à Céret. Plus tard, à Paris, il reniera la période cérétane en brûlant un nombre important de ses œuvres. Pourtant, il semble bien avoir élaboré en ce lieu cette force expressive qui ne l’a plus jamais quitté.
- SOUTINE - CÉRET, 1919-1922, jusqu’au 15 octobre, Musée d’art moderne, 8 Bd Maréchal-Joffre, Céret, tél. 04 68 87 27 76, tlj, 10h-19h. Catalogue, 550 p., 260 F.
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La force de la nature
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°108 du 30 juin 2000, avec le titre suivant : La force de la nature