La "Figure d’apôtre", de Jordaens

La Vierge à l’Enfant (vers 1460) de Rogier Van der Weyden, Le Saint Jacques (1475) de Cosmè Tura ou Le Mariage de la Vierge (1504) du Pérugin valent à eux seuls de s’attarder dans les collections permanentes de ce musée fondé au début du XIXe siècle par l’arrêté Chaptal – qui redistribuait, après la Révolution, la « part sacrée » de l’héritage de la nation à quinze villes de province. Dans la salle des Flandres du XVIIe siècle prie cette très belle Figure d’apôtre (vers 1620) de Jacob Jordaens (1593-1678), qui fut au centre d’une exposition-dossier en 2012. Moins connu que son contemporain et rival Rubens, autre gloire d’Anvers, Jacob Jordaens est pourtant considéré par certains historiens comme le peintre flamand par excellence. Parfois enfermé dans les sujets populaires et truculents si prisés de l’art flamand, le peintre est en réalité plus riche et diversifié, comme l’ont rappelé les expositions des Musées royaux des beaux-arts (Bruxelles) et du Petit Palais (Paris) en 2012 et 2013. Sa Figure d’apôtre– peut-être saint Pierre – témoigne notamment des qualités de portraitiste de Jordaens. Cette huile sur panneau de chêne fut parmi les premiers tableaux à entrer dans les collections caennaises, où l’on souhaitait alors présenter « quelque chose de la main de ce grand coloriste ». L’influence du Caravage et d’Elsheimer est ici patente, dans le cadrage, le clair-obscur et le réalisme destiné à accompagner la dévotion privée. On sait aujourd’hui que l’apôtre prend les traits d’Abraham Grapheus, un homme qui gravitait dans la guilde de Saint-Luc d’Anvers et qui servit à plusieurs reprises de modèle à Van Dyck et à Jordaens.