Histoire

HISTOIRE

La douloureuse histoire des Chrétiens d’Orient

Par Margot Boutges · Le Journal des Arts

Le 29 novembre 2017 - 619 mots

Des prêts d’exception ont été obtenus pour cette exposition de l’IMA au sujet particulièrement ambitieux et périlleux.

Paris. Comment exposer les chrétiens d’Orient ? Eu égard aux troubles agitant le Proche-Orient, l’Institut du monde arabe (IMA) aurait pu choisir de se focaliser sur la situation qu’ils connaissent à la période contemporaine. Ou, à l’inverse, se réfugier dans un modèle d’exposition de civilisation classique s’arrêtant à l’aube de l’ère industrielle. Élodie Bouffard, chargée de collections et d’expositions à l’IMA, et Raphaëlle Ziadé, responsable du département byzantin au Petit Palais, se sont emparées avec volontarisme de l’histoire, des origines à nos jours, des chrétiens vivant dans les actuels pays d’Égypte, de Jordanie, Syrie, Palestine, Irak et Liban. Et l’IMA dessine – avec une clarté qu’il faut saluer étant donné la densité du sujet – le cheminement de cette minorité religieuse qui, siècle après siècle, a pu prospérer dans les terres qui l’ont vu naître, mais surtout se réduire à la suite des exactions et des instabilités.

Une histoire tourmentée

Dans cette histoire longue de deux millénaires, plusieurs périodes se succèdent dans un mouvement non linéaire. Au IVe siècle, après d’importantes persécutions, le christianisme devient religion d’État dans l’Empire romain. Au VIIe siècle, la conquête musulmane importe la langue arabe que les chrétiens vont massivement adopter et impose un statut (dhimmi) à la fois protecteur et discriminant pour ces derniers. Entre le Xe et le XIIIe siècle, durant les croisades, les chrétiens orientaux se trouvent pris entre les feux francs et musulmans. Sous l’Empire ottoman, une élite chrétienne orientale se développe pour servir d’intermédiaire commercial avec l’Occident…

Les périodes récentes sont loin d’être apaisées. Entre le XIXe et le XXe siècle, les chrétiens du mont Liban subissent massacres et famines engendrées par l’instabilité d’un empire en déclin ; plus tard la montée en puissance des forces djihadistes les poussent massivement vers l’exil. « Au début du XXe siècle, les chrétiens comptaient pour plus de 20 % de la population du Moyen-Orient, ils sont aujourd’hui moins de 3 % », rappelle le sociologue libanais Joseph Maïla dans le catalogue. Des chiffres qui varient selon les sources.

Présenter deux mille ans de témoignages artistiques laissés par ces populations était une gageure. Là encore l’exposition, qui réunit 300 manuscrits, mosaïques, textiles, céramiques, icônes, photographies, planches de BD, films…, se revèle très ambitieuse et laisse un parfum d’exceptionnel.

Les deux plus belles prises sont sans doute ces fragments de fresques de Doura Europos, chefs-d’œuvre de l’art paléochrétien prêtés pour la première fois par la Yale University Art Gallery (New Haven, Connecticut), qui les conserve depuis des fouilles franco-américaines effectuées en Syrie dans les années 1930. Le tracé de ce Christ marchant sur l’eau et de cette guérison du paralytique est très maladroit et on distingue la marque des mains qui ont appliqué l’enduit. Mais ces fresques, datées de 232, sont les plus anciennes connues à ce jour dans le monde chrétien ; elles émanent de la plus ancienne chapelle répertoriée, une maison particulière transformée en lieu de culte à l’époque des persécutions menées par les païens. Si la plupart des œuvres exposées proviennent de musées de tous horizons, certaines, en particulier des manuscrits ou des objets liturgiques, viennent directement des communautés religieuses. C’est relayés par l’Œuvre d’Orient, association catholique française fondée en 1856 pour réaliser des missions d’éducation, d’action sociale et d’évangélisation auprès des chrétiens d’Orient, que les commissaires ont pu négocier des prêts d’œuvres auprès des autorités religieuses (patriarches). Certaines n’avaient jamais quitté leur monastère. Ainsi de cette icône de 1593 représentant une dormition de la Vierge émanant de Bkerké, siège libanais de l’Église maronite (une des églises catholiques orientales).

Chrétiens d’Orient, 2000 ans d’histoire,
jusqu’au 14 janvier 2018, Institut du monde arabe, 1, rue des Fossés-Saint-Bernard, 75005 Paris.
Légende photo

Attribuée à Némeh al-Musawwir, Sainte Marie l’Égyptienne, Alep, Syrie, fi n du XVIIe siècle, tempera sur bois, collection George Antaki, Londres. © G. Antaki /Axia Art.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°490 du 1 décembre 2017, avec le titre suivant : La douloureuse histoire des Chrétiens d’Orient

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