UTRECHT / PAYS-BAS
Depuis la magistrale exposition organisée en 2012 par les musées de Toulouse et de Montpellier, les manifestations consacrées au maître du clair-obscur et aux artistes de son cercle se succèdent à une cadence infernale.
Londres, Rome, Paris, Madrid ont par exemple déjà proposé des expositions examinant l’onde de choc du peintre génial qui a révolutionné la peinture occidentale et fait tant d’émules, sans avoir pourtant ni école ni atelier. Cet engouement phénoménal s’explique au premier chef par l’inoxydable popularité du mauvais garçon de la peinture. Ses œuvres étant peu nombreuses, chacune de leur réunion est un événement en soi, et donc l’assurance pour l’organisateur de faire le plein d’entrées. Un facteur économique décisif à l’heure où les expositions sont des montages financiers toujours plus coûteux pour les musées. Mais cet intérêt massif pour tout ce qui touche de près ou de loin au Caravage est également lié à un puissant renouveau des études sur la nébuleuse des Caravagesques. Alors qu’il y a encore peu on les regardait avec dédain comme de simples suiveurs, on redécouvre aujourd’hui la grande diversité de ces artistes et leur force d’invention insoupçonnée. Le Centraal Museum ne pouvait passer à côté de cette lame de fond, puisque la petite ville d’Utrecht peut s’enorgueillir d’avoir été le berceau de trois grands apôtres du maître : Van Baburen, Van Honthorst et Ter Brugghen. Plutôt que de célébrer ses seuls ressortissants, Utrecht a opté pour une large focale en plaçant les trois Néerlandais au milieu de leurs amis et rivaux actifs dans la Rome baroque. Résultat : un formidable jeu de piste sur les emprunts iconographiques, les sources communes et l’intense émulation à l’œuvre dans la Cité éternelle. Cette enquête éblouissante s’appuie sur un remarquable travail scientifique et des tableaux plus beaux les uns que les autres. Parmi les pépites de l’exposition, le superbe Saint Sébastien de Ter Brugghen parvient même à voler la vedette au Caravage ; une jolie revanche.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°720 du 1 février 2019, avec le titre suivant : La déflagration Caravage