Symbolisme

À la découverte des paysages oniriques de Redon

Par Élisabeth Santacreu · Le Journal des Arts

Le 31 janvier 2017 - 733 mots

Le thème du paysage, un aspect méconnu de l’œuvre du peintre, donne à voir des toiles rarement montrées qui révèlent ses sources d’inspiration.

BORDEAUX - On connaît deux Odilon Redon (1840-1916). Celui des fusains et estampes des hommages à Goya ou à Edgar Poe, qu’il appelait ses « noirs », et l’autre, lumineux, des bouquets, des toiles symbolistes et des décors de l’abbaye de Fontfroide. On oublie souvent les paysages, genre auquel Redon s’est consacré épisodiquement tout au long de sa vie. Cette exposition, organisée par le Musée des beaux-arts de Bordeaux en partenariat avec celui de Quimper dans le cadre du centenaire de la mort du peintre, est donc une mise au point bienvenue.

Dans le catalogue, Émilie Vanhaesebroucke rappelle que Redon affirmait en 1864 se destiner au paysage historique, bien que le genre eut disparu des sections du Grand Prix de Rome en 1863. L’exposition est articulée dans ce sens : « Il ne s’agit pas de montrer simplement ce que Redon produisait sur le paysage, mais que cette pratique du paysage faisait intrinsèquement partie de ses réflexions sur le fantastique », explique Sandra Buratti-Hasan, l’une des commissaires scientifiques. Le dernier espace (au sous-sol), consacré à des œuvres symbolistes, est, dans cette perspective, le plus important de l’exposition. Par ailleurs, puisque le paysage n’est pas un genre en soi pour Redon, la plupart des œuvres présentées sont des pochades, ce que le peintre appelait des « études pour l’auteur ». La réussite est de montrer, dans les deux premiers étages, ces petites huiles sur papier et des dessins sans que le visiteur ne se lasse.

Des landes du Médoc aux côtes du Finistère
C’est par le dessin d’une feuille de vigne et une petite toile représentant la maison d’enfance de Redon que l’on entre dans l’exposition. Le sentiment de la nature chez le peintre fut très influencé par les années solitaires passées dans la lande de Peyrelebade, ce domaine du Médoc où il fut élevé par un oncle. À Peyrelebade, Redon travailla à ses « noirs », mais ce fut surtout l’inspiration de ses paysages : en mars 1860, la première participation du jeune peintre au salon de la Société des amis des arts de Bordeaux consiste en deux paysages à l’aquarelle (non identifiés).

Avant de devenir thématique, l’exposition passe par le Pays basque et les Pyrénées, visités en 1862-1863. C’est le premier voyage de Redon, qui s’est installé à Paris en 1857. Un périple important, car le peintre y fait la découverte d’une nature grandiose, romantique, dans laquelle il puisera son inspiration pour des œuvres telles les estampes Le Passage du gué, La Peur, Deux petits cavaliers et, plus tard, les représentations de centaures, de Pégase ou Le Char d’Apollon (1909), montré au sous-sol. Un paysage historique, Roland à Roncevaux (1862) illustre les premiers essais de Redon dans ce domaine. Vient ensuite un thème récurrent chez lui, celui de l’arbre. Les œuvres sont nombreuses, mais cette accumulation est justifiée par la postérité de ces études : Chemin à Peyrelebade (qui pourrait être des années 1880), avec son étrange oiseau et ses couleurs irréelles, annonce aussi bien Le Sommeil de Caliban (1895-1900), présenté au sous-sol, que les pastels sur Bouddha, et notamment La Mort de Bouddha.

La lande, autre grand thème, est l’un de ces motifs qui sont pour le peintre, selon Sandra Buratti-Hasan, « la porte vers l’ailleurs ». À propos de ces paysages, Redon voyait « dans l’aridité de leurs sables un souffle d’abandon, d’abstraction. » Ce « décor naturel sans convention et sans lignes » devait plus tard servir d’écrin à la Tête d’Orphée présentée au sous-sol. Les ports et plages d’Aquitaine ou de Bretagne, les architectures vides présentés plus loin n’ont pas eu la même postérité dans l’art de Redon, mais les bateaux préfigurent les nombreuses barques qui, dans son œuvre, semblent presque toujours liées à des sujets religieux. Là encore, une correspondance s’établit avec La Voile grise et La Barque rouge (vers 1900), au sous-sol. Ainsi, sans déployer de grands moyens, puisque aucun musée étranger n’a été sollicité, cette exposition réussit à faire découvrir un aspect de la production d’Odilon Redon (onze dessins et aquarelles sont même inédits), mais aussi à éclairer ses sources d’inspiration pour ses œuvres les plus connues.

Odilon Redon

Commissaires : Sophie Barthélémy, directrice du Musée des beaux-arts de Bordeaux ; Guillaume Ambroise, directeur du Musée des beaux-arts de Quimper.
Nombre d’œuvres : 134.

La nature silencieuse, paysages d’Odilon Redon

Jusqu’au 26 mars, Galerie des beaux-arts, place du Colonel Raynal, 33000 Bordeaux, tous les jours sauf mardi 11h-18h, www.musba-bordeaux.fr, tél. 05 56 96 51 60, entrée 6,50 €. Catalogue éd. Snoeck, 29 €.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°472 du 3 février 2017, avec le titre suivant : À la découverte des paysages oniriques de Redon

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