Pour sa réouverture, le centre d’art bruxellois propose une exposition qui invite à un regard libre sur l’art.
Bruxelles. Après plusieurs mois de travaux d’aménagement, la Centrale – centre d’art contemporain de la ville de Bruxelles – rouvre ses portes avec une exposition surprenante à plus d’un titre. Elle rassemble 353 œuvres réalisées par 247 artistes contemporains. On y trouve des vidéos, du dessin, de la peinture, de la photographie, de la performance, des sculptures et des installations. La première impression a de quoi décontenancer. Les œuvres sont accrochées et mises en espace sans narratif ni fil rouge apparent. Pas de cartel non plus. Juste un numéro qui renvoie au petit carnet remis à l’entrée où figurent les noms des artistes et la description des œuvres.
Le projet s’inspire de la « Summer Exhibition », organisée chaque été depuis 1769 à la Royal Academy of Arts à Londres, en se concentrant ici sur les artistes qui résident à Bruxelles ou dans sa périphérie.
Après cette première sensation de profusion où les couleurs, les matériaux, les styles et les tailles se côtoient dans un joyeux brouhaha visuel, place à la curiosité. Impossible de tout aimer, de tout apprécier. Au gré du parcours dans ce cabinet de curiosité entre figuratif ou abstrait, intime et social, art conceptuel ou art outsider, on découvre un « paravent-palimpseste » d’Antoine Waterkeyn (né en 1991), une sculpture en matériaux trouvés de Nicolas Magne Lefebvre (né en 1986) qui présente ici sa première exposition, une série de polaroïds de portraits d’artistes en vases signés Manon de Boer (née en 1966), ou la sculpture conceptuelle et ironique de Ann De Nys (née en 1968) aussi à sa première exposition. Parmi les œuvres exposées figurent les 16 papiers peints encadrés d’Amélie Berrodier (née en 1992), le sac transpercé de flèches de Mohammed Alani (né en 1971), un artiste bruxellois originaire de Bagdad, ou l’architecture imaginaire en équilibre précaire que Christian Noirfalise (né en 1979) déploie en peinture et en sculpture.
L’absence de hiérarchisation et d’identification immédiate des artistes permet une grande inclusivité entre notoriété, genres, générations et héritages culturels, et encourage à apprécier l’œuvre par elle-même, sans référence à son auteur.L’anonymisation de l’accrochage répond à l’anonymisation de la sélection.
La sélection a été opérée à partir d’images anonymes des 2 000 œuvres soumises par un jury composé de quatre artistes (Manon de Boer, Pélagie Gbaguidi, Juan Pablo Plazas et Richard Venlet) et de la curatrice Tania Nasielski. Chacune se trouvant sur pied d’égalité, des artistes confirmés ont ainsi pû être écartés alors que des artistes émergents ou non professionnels ont été sélectionnés.
Au-delà de la découverte, l’exposition pose de multiples questions sur le statut de l’artiste et de l’œuvre, ainsi que sur sa valorisation ou encore sur le rôle d’un centre d’art. Exceptionnellement, la plupart des œuvres sont à vendre pour des prix qui peuvent varier de 70 à 40 000 euros. Et cela au seul bénéfice des artistes. La Centrale a, en outre, prévu un fonds de solidarité alimenté par 20 % du total des acomptes, qui sera ensuite redistribué aux artistes participants.
Avec un titre qui renvoie à la volonté d’accueillir la diversité des scènes artistiques bruxelloises, l’exposition a pensé la mise en espace dans le même esprit d’hospitalité en espérant la voir prolongée entre le public et les œuvres.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°644 du 29 novembre 2024, avec le titre suivant : La Centrale accueille 247 artistes sans podium ni hiérarchie