Vénus sauvée par la photographie : tel est en somme le fabuleux destin de Virginia, comtesse de Castiglione, maîtresse de Napoléon III et coqueluche du Tout-Paris le temps de deux courtes saisons. Il n’en a pas fallu davantage en effet à ce « miracle de beauté » débarquée en France à 21 ans, en 1856, avec mari et enfant, pour irriter la cour et se faire chasser par l’empereur. Après, ce sera l’exil, le retour et peu à peu la folie. Intrigante d’alcôve aux « cheveux magnifiques » et « dents admirables » ou vieillarde solitaire errant la nuit place Vendôme, le mythe de la Castiglione est pourtant né. C’est que, comme toute l’aristocratie de son époque, elle se rend dès 1856 chez Mayer & Pierson, connus pour leurs photographies peintes. Le génie du Lorrain Pierre-Louis Pierson tient à « la simplicité des poses qu’il donne, ou plutôt qu’il laisse prendre à ses modèles ».
De technicien attentif et effacé, Pierson deviendra son ami et confident. Jusqu’en 1895, ils vont réaliser ensemble plus de 400 photographies. Complices, ils ont créé une œuvre étrange, inventé des cadrages d’un modernisme inouï. Dans un premier temps entre 1856 et 1858, la comtesse est l’idole triomphante et vaniteuse de la cour, la « Reine de cœur » qui fait sensation au bal costumé des Walewski, la gorge « à découvert jusqu’au bout du sein ». Puis de 1861 à 1867, rentrée seule avec son fils de son exil italien, elle ne reprendra jamais sa place à la Cour.
De « Reine d’Étrurie » en « Carmélite », elle fait scandale. Incomprise, huée, elle fuit peu à peu les lumières de la scène publique et s’enferme dans le théâtre d’ombres de ses souvenirs. La photographie est son refuge. Réalisatrice de ses portraits, elle se met en scène. D’un geste ou d’un regard, la voilà héroïne tragique, Anna Bolena ou Violetta. De son intimité, elle recrée boudoir ou chambre. Scandale encore. Mais indépendante et « masculine » dans ses désirs, elle n’en a cure. Elle réalise le roman photo de sa vie, comme l’a si bien décrit Xavier Demange dans le catalogue de l’exposition. Pinceau à la main, inlassablement, elle retouche son image : miroir d’un passé recomposé. Puis, en 1893 après un arrêt de 27 ans, elle reprend le chemin de l’atelier du « brave Pierson ». 82 photographies témoignent de sa solitude, de sa ruine physique et mentale. Mais sa main, toujours, annote ses images, œuvres d’art à part entière, exposées chez elle comme à l’Exposition Universelle de 1867. Elle envisage même, la veille de sa mort, de les présenter à l’exposition de 1900 sous le titre symptomatique « La plus belle femme du siècle ». Ce sont ces photographies d’une bouleversante contemporanéité, admirables et fascinantes, que Pierre Apraxine, commissaire de l’exposition – et envoûté comme Pierson par la comtesse –, a choisi de présenter tout l’hiver au Musée d’Orsay.
PARIS, Musée d’Orsay, 12 octobre-23 janvier, cat. RMN, 192 p., 250 F.
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La Castiglione, un miracle de beauté
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°510 du 1 octobre 1999, avec le titre suivant : La Castiglione, un miracle de beauté