Exposition à la fois grand public et proposant de faire le point sur l’utilisation de l’image mobile, la Biennale d’art contemporain de Lyon (Bac) accueille un public très varié. Les opinions sont donc contrastées, comme en témoignent les réactions recueillies sur place.
LYON (de notre correspondant) - Deux semaines après son ouverture, la Biennale de Lyon a déjà accueilli plus de 20 000 visiteurs-spectateurs. Un chiffre qualifié "d’inespéré en raison des grèves qui ont précédé l’ouverture, et de la période de Noël où il n’y a pratiquement aucun groupe", assurent les organisateurs.
Il est vrai que l’exposition ne désemplit pas, parcourue par un public nettement plus "chahuteur" que l’habituel respect de mise au musée. Des lycéens s’interpellent et se pressent en masse autour de l’œilleton qui permet de voir flamber les personnages de Pierrick Sorin, ou s’esclaffent perplexes devant la scène de ménage des ordinateurs de Jon Kessler.
Mais ce sont les œuvres interactives, ou présentées comme telles, qui recueillent tous les suffrages. "Moi, ce qui m’a marquée, c’est le piano à image et l’environnement végétal virtuel", affirme une étudiante. En effet, le piano de Toshio Iwaï fascine durablement ses utilisateurs, agglutinés autour d’une souris plus sollicitée qu’un animal de laboratoire. Pourtant, les spectateurs plus spécialisés ne partagent pas cet engouement.
"On voit bien que l’artiste a fait des choix très clairs et que le visiteur ne fait rien d’autre que d’énumérer des possibles, il ne participe pas vraiment", remarque un artiste plasticien, venu "pour se rendre compte par lui-même". Un autre artiste regrette "l’uniformité des travaux en raison de la présence du sponsor Samsung, qui n’a proposé qu’un seul modèle de téléviseur".
Explications défaillantes
Mais il est frappant de remarquer la bonne volonté d’un public pourtant souvent dérouté. Manifestement, le lien entre une acception de l’art traditionnelle et "l’art vidéo" n’est pas aisé à faire. "Nous sommes venus voir ce qui se fait maintenant, mais il est sûr que nous n’avons pas tout saisi", remarque un couple. "Les explications manquent, il y a trop de choses incompréhensibles", regrette une dame venue avec sa petite fille.
Car le public avance à tâtons, partagé entre l’envie d’une balade détendue dans ce qui peut être vu comme un lunapark télévisuel et le désir de comprendre un peu mieux ce qui est présenté comme une nouvelle forme d’art. "J’ai accompagné mon fils qui est passionné d’ordinateur", explique une dame manifestement déroutée. Les motivations des visiteurs sont multiples, comme cette mère de famille venue avec ses "enfants, pour passer l’après-midi et voir un art auquel je ne suis pas habituée".
De leur côté, les professionnels soulignent "la faiblesse de la scénographie et le côté bricolage des salles du Palais des congrès. Stephanie Smith et Eddie Stewart sont probablement intéressants, mais leur travail perd beaucoup à être ainsi placé dans un couloir de passage", déplore un plasticien. Un photographe souligne cependant qu’à Lyon, "tout ce qu’on a pu voir ailleurs est rassemblé, ce qui fait l’intérêt de l’exposition".
Mais si spécialistes et grand public ne sont manifestement pas venus chercher les mêmes choses, tous semblent se réconcilier sur le divan de Paul Sermon, jouant à s’asseoir sur les genoux de leur voisin virtuel tout en spéculant sur le sentiment paradoxal de frustration que suscite le développement des technologies de communication.
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La Bac vue à mi parcours
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°22 du 1 février 1996, avec le titre suivant : La Bac vue à mi parcours