Le Musée de Lodève consacre à Moïse Kisling sa première exposition monographique en France. Un hommage tardif et néanmoins essentiel à ce peintre de l’école de Paris.
LODÈVE - Figure majeure de l’école de Paris, Moïse Kisling (1891-1953) n’avait jamais eu droit à une exposition monographique dans un musée en France. Objet de toutes les attentions aux Japon, en Israël et aux États-Unis, l’artiste a dû se contenter de brèves apparitions dans de vastes manifestations consacrées à d’autres héros de Montparnasse. Si le marché international des enchères et une poignée de galeristes parisiens lui ont été fidèles, la rétrospective orchestrée par Maïthé Vallès-Bled, conservatrice en chef du Musée de Lodève (Hérault) sonne les retrouvailles officielles avec le public français.
La commissaire se défend pourtant d’avoir voulu une réhabilitation et déclare s’être intéressée au cheminement artistique de Moïse Kisling. Celui-ci, s’il n’a pas révolutionné la peinture, a su opérer une synthèse très personnelle à partir d’une multitude de courants picturaux, comme l’avant-garde du XXe siècle, la Renaissance ou encore le néoclassicisme. Le parcours chronologique rend bien compte de la manière dont le jeune peintre de formation académique, fraîchement débarqué de Cracovie, a très vite su intégrer la théorie volumétrique de Cézanne, l’audace colorée des fauves, tout en gardant ses distances d’avec le cubisme. Un soupçon de maniérisme florentin, une touche de peinture primitive flamande et une goutte de la naïveté du Douanier Rousseau : voici le nouveau classicisme façon Kisling, un art figuratif aux lignes épurées, aux perspectives bousculées et aux tonalités riches et chatoyantes, singulièrement bien relevées par les couleurs tranchées des cimaises (rouge vermillon, bleu cobalt).
En dépit de quelques incursions bien involontaires dans l’abstraction – saisissant coucher de soleil de Saint-Tropez (1918) –, Kisling est un adepte du réel. Ce refus de basculer dans le domaine de l’abstrait était déjà perceptible dans les tableaux des fauves hongrois rassemblés cet été au Musée d’art moderne de Céret (Pyrénées-Orientales). À cet égard, l’exposition de Lodève fait écho au regain d’intérêt des pays de l’ex-bloc de l’Est pour ses artistes exilés en masse à Paris. Ces peintres perpétuant la grande tradition picturale classique sont tombés dans les oubliettes de l’histoire de l’art du XXe siècle, trop occupée à consacrer l’abstraction. Très populaire de son vivant, tant sur un plan commercial que critique, Kisling n’a pas échappé à cette mise à l’index, comme s’il avait déjà bénéficié de tout le succès qu’il méritait. Place donc à la redécouverte d’un style immédiatement identifiable qui a su transcender ses références, chose peu surprenante de la part d’un déraciné. Ne disait-il pas à un ami peintre polonais : « Aux États-Unis, on me nomme “peintre polonais” ; en Pologne je suis “Juif” ; parmi les Juifs, je suis peintre français, et parmi les Français je suis métèque » ?
Jusqu’au 2 novembre, Musée de Lodève, square Georges-Auric, 34700 Lodève, tél. 04 67 88 86 10, www.lodeve.com, tlj sauf lundi 9h30-18h. Catalogue, Études & Communication, Bez-et-Esparon, 232 p., 42 euros, ISBN 978-2-911722-54-7
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Kisling, l’heure des retrouvailles
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Abonnez-vous dès 1 €- Commissaire : Maïthé Vallès-Bled, conservatrice en chef du Musée de Lodève
- Nombre d’œuvres : 65 tableaux et 4 dessins répartis dans 7 salles. Près de la moitié de cette sélection provient de la collection du Musée du Petit-Palais à Genève ; le collectionneur Oscar Ghez était un inconditionnel de l’artiste.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°287 du 19 septembre 2008, avec le titre suivant : Kisling, l’heure des retrouvailles