Dans le cadre de la politique engagée par le Jeu de Paume pour promouvoir les artistes extrême-orientaux, et après Lee Ufan ou Cho Duck-Huyn, c’est au tour du plus français des artistes coréens, Kim Tschang-Yeul, de prendre ses quartiers dans la Galerie nationale pour une large rétrospective.
Une trentaine de peintures y retracent le parcours occidental de celui dont l’œuvre picturale est chevillée depuis quarante ans au motif de la goutte d’eau. Un travail dont la répétition, la virtuosité et la simplicité poétique a, dès les années 1970, aiguisé les appétits des critiques occidentaux. Acte du Bodhidharma ; Principes de Lao-Tseu ; Redéfinition de notre manière d’être ; Allégorie de la naissance et de la mort ; Rivières, trombes d’eau, soif et fertilité ; Peintures non-objectives de Mondrian, etc. Le motif tant commenté s’impose à Kim Tschang-Yeul au tout début des années 1970. Il a quarante ans, a déjà traversé deux guerres en Corée et vient de s’installer en France après un court séjour aux États-Unis. « Je ne pensais qu’à crier ou à prier », écrit-il alors. Fraîchement familiarisé avec la diversité des pratiques artistiques occidentales, à peine émancipé de l’art informel expérimenté durant les années coréennes, le peintre approche alors la thématique de la goutte. D’abord distinctes, minutieusement posées sur un fond anonyme et concret, elles sont peintes à l’aérographe en trompe l’œil, comme suspendues dans leur chute, saisies à l’instant fugitif ou leur charge les dilate, juste avant leur disparition. Tout en maintenant une inflexible exigence d’harmonie dans la disposition et le rythme scandé par les gouttes, l’artiste éprouve petit à petit la matérialité du support. Papier journal, sable, bois, végétaux, papiers de riz accueillent désormais le motif. Des ombres informelles apparaissent redoublant la présence des gouttes, et dans les années 1990, le peintre trace des caractères chinois sous la surface de l’eau explorant les liens noués entre peinture et écriture, bouclant la boucle d’un univers soucieux de marquer l’appartenance de chaque chose à un grand tout. Une représentation du monde dont la contemplation fera dire à Pierre Restany en 1993 qu’elle provoque chez lui « une impression de paix et de ferveur. Les gnostiques, ajoute-t-il, parleraient peut-être de recueillement et de prière. Cette sensation, je la perçois plutôt comme une hygiène salutaire de la vision ».
« Kim Tschang-Yeul », PARIS, Galerie du Jeu de Paume, place de la Concorde, VIIIe, tél. 01 47 03 12 50, 13 janvier-7 mars 2004.
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Kim Tschang-Yeul : phénoménologie de la goutte d’eau
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°554 du 1 janvier 2004, avec le titre suivant : Kim Tschang Yeul : phénoménologie de la goutte d’eau