Pour sa première présentation solo dans une institution parisienne, l’Américaine Kiki Smith, née en 1954 à Nuremberg et fille du sculpteur Tony Smith, voit les choses en grand à la Monnaie de Paris avec cette monographie, qui sera en fait la toute dernière exposition d’art contemporain dans ce superbe bâtiment du XVIIIe.
Sur plus de 1 000 m² et sur deux niveaux, elle dévoile près d’une centaine d’œuvres, des sculptures mais aussi des dessins, des gravures, des tapisseries, des panneaux de vitraux et des médailles, allant des années 1980 à nos jours. Variant tout autant les médiums que les matériaux (bronze, cire, métal, coton, verre, feuille d’or, etc.), la plasticienne, au sein d’une promenade libre ne se voulant ni chronologique ni thématique, convie les visiteurs à se pencher sur ses thèmes favoris, via des dialogues qui se créent entre les pièces finement choisies : les arts décoratifs, la représentation du corps humain, la nature et le cosmos ainsi que la relation harmonieuse entre animaux et corps féminin. À mille lieues du modernisme minimaliste de son père, Kiki Smith, en jouant sur la réunion des contraires (le masculin et le féminin, le chaud et le froid, le ciel et la terre...), transforme le centre d’art en une espèce de jardin étrange et merveilleux aux accents kitsch et sentimentaux qui ne cessent de nous troubler et de nous émouvoir. Le catalogue d’exposition, riche en textes signés notamment par l’artiste elle-même et par la commissaire Camille Morineau, permet de se rendre compte davantage combien, derrière la joliesse baroque des formes hybrides proposées, se cache bel et bien une vision panthéiste du monde aux perspectives ouvertement féministes.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°730 du 1 janvier 2020, avec le titre suivant : Kiki Smith, entre alchimie et activisme