GIVERNY
La représentation de l’œuvre de Ker-Xavier Roussel, si elle n’est pas inédite dans les musées, est rare.
Le Musée des impressionnistes de Giverny lui consacre une exposition événementielle intitulée « Jardin privé, jardin rêvé ». Nabi de la première heure, ami et beau-frère de Vuillard, Roussel fut à la croisée des chemins d’une inspiration animée à la fois par un désir de modernité et par sa fidélité à une culture classique. Au cours de ses études, il rencontre Maurice Denis et fréquente l’Académie Julian, où il suit la formation des nabis avec Vuillard. Après les natures mortes réalistes de ses débuts, il peint sous l’influence de Gauguin, du synthétisme de Sérurier, du symbolisme des nabis et de Cézanne, des scènes intimistes en aplats sans être strictement cloisonnées et aux tons encore sourds. Vers 1895-1896, il commence à peindre des scènes mythologiques éminemment poétiques peuplées de nymphes et de faunes. C’est lors d’un voyage effectué avec Maurice Denis, au cours duquel il visite Cézanne, qu’il éclaircit sa palette pour l’adapter à ces ciels sans nuages et sous lesquels il transpose ses fantaisies mythologiques édéniques. De même que Puvis de Chavanne s’était inventé une Antiquité grecque transplantée dans la campagne lyonnaise, celle de Roussel fait évoluer ses nymphes et ses faunes dans les clairières des bois de la proche banlieue parisienne. Sa recherche de la vibration des couleurs vives sous l’éclat d’un éternel soleil s’accorde bien avec la technique du pastel. Il pratique également la lithographie. Les commandes officielles occupent, à l’instar des autres nabis, une place importante dans son œuvre, il eut à plusieurs reprises l’occasion de peindre cet univers heureux et détaché de la réalité dans des décorations murales de grandes dimensions : le rideau de scène de la Comédie des Champs-Élysées en 1913, La Danse pour le Palais de Chaillot en 1937. Parmi ses très nombreuses compositions, on retrouve le plus souvent cité L’Enlèvement des filles de Leucippe. Tour à tour sombre et lumineux, humain, vivant, Roussel vit dans son époque et cherche à nous entraîner à la découverte de la beauté du monde.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°726 du 1 septembre 2019, avec le titre suivant : Ker-Xavier Roussel, côté cour