Art contemporain

Juan Muñoz, sculpteur du temps

Par Julie Goy, correspondante en Espagne · Le Journal des Arts

Le 11 avril 2023 - 456 mots

À Madrid, la Sala Alcalá 31 expose les sculptures emblématiques de l’artiste espagnol dans une mise en scène théâtrale et déstabilisante.

Madrid. L’exposition « Juan Muñoz. Todo lo que veo me sobrevivirá » (Tout ce que je vois me survivra), conçue en hommage au 70e anniversaire de la naissance de Juan Muñoz (1953-2001), propose de découvrir ses sculptures créées entre 1990 et 2001. Puis, à partir du mois de juin, le Musée-Centre d’art Dos de Mayo (Móstoles) exposera celles des années 1980.

Centrée sur l’installation monumentale Plaza [voir ill.], exposée pour la première fois en Espagne depuis 1996, la scénographie se déploie dans l’espace de la Sala Alcalá 31. Hauts de plafond, éclairés par une grande fenêtre opaque, les lieux confèrent un caractère mystique aux personnages de pierre déambulant dans la pièce, aux expressions plus vraies que nature. « La Sala Alcalá offre deux points de vue, d’en haut et d’en bas, pour voir et être vu : le visiteur fait partie intégrante de l’exposition », explique le commissaire, Manuel Segade.

Quelques œuvres exposées sur les murs complètent l’installation, des détails discrets, tel que le Balcon de Nîmes (1994), en fer, énigmatique sur son mur blanc, et portant sur lui les stigmates d’un événement traumatique qui en aurait déformé les contours.

Situations décalées

Depuis la mezzanine, les balcons offrent une vue plongeante sur Plaza. L’une des dernières pièces de l’artiste, Deux assis sur le mur (2001), montre deux hommes en fer, hilares, assis sur une chaise accrochée au mur ; la raison de leur hilarité est tue, silencieuse, et cela provoque un certain malaise. « L’artiste frustre notre capacité de compréhension, ses personnages rigolent, mais on ne sait pas pourquoi. Ses “Chinois”, comme il les appelait, dialoguent entre eux dans “Plaza”. Le visiteur devient protagoniste de ce théâtre, tout en ne comprenant pas l’anecdote partagée par les personnages », précise le commissaire de l’exposition.

Le visiteur fait ensuite face à un personnage suspendu dans les airs, dont le corps, tournoyant, piégé dans une position raide et inconfortable, évoque le caractère à la fois méditatif et angoissant du travail de Juan Muñoz. « Il y a toujours, chez Muñoz, des images provenant de l’histoire de l’art, stéréotypées, qui nous questionnent sur la culture visuelle de l’histoire. Pour cette œuvre, il s’inspire de Miss Lala, trapéziste parisienne de la fin du XIXe siècle, peinte par Degas », ajoute Manuel Segade.

De l’autre côté de la mezzanine, l’installation Dans le miroir (1997) place un homme asiatique face à un miroir, regardant son reflet, amusé, et portant un masque sur son nez. Derrière lui, le visiteur voit sa propre projection, animée. À nouveau, l’artiste crée une situation ambiguë, dont l’explication demeure opaque, comme une métaphore de l’interprétation libre des œuvres d’art contemporain, toujours ouverte, mais jamais réellement comprise.

Juan Muñoz. Todo lo que veo me sobrevivirá,
jusqu’au 11 juin, à la Sala Alcalá 31, calle de Alcalá, 31, 28014 Madrid, Espagne.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°608 du 31 mars 2023, avec le titre suivant : Juan Muñoz, sculpteur du temps

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