Paris-8e

Les fleurs du mal de Jusepe Ribera

Au Petit Palais – Jusqu’au 23 février

Par Marie Zawisza · L'ŒIL

Le 27 décembre 2024 - 343 mots

XVIIe Siècle -  Il supporte avec ferveur son corps déjà froid. Les doigts roses de Jean, le disciple « que Jésus aimait », soulignent le gris livide de la peau du fils de Dieu mort.
La Lamentation sur le corps du Christ de la National Gallery de Londres rejoint pour la première fois celle du Musée Thyssen-Bornemisza de Madrid et la Mise au tombeau du Louvre au Petit Palais pour une rétrospective exceptionnelle de Jusepe Ribera (1591-1652). Cette tension entre la chair et l’âme, les ténèbres et la lumière, les douleurs de l’existence et l’aspiration à un au-delà traverse l’œuvre de cet artiste loué par Édouard Manet, Théophile Gauthier et Charles Baudelaire. Le jeune Ribera rencontre l’œuvre du Caravage à Rome, avant que ce dernier, accusé de meurtre, ne fuie la ville en 1606. Il devient dès lors un interprète virtuose du maître, « plus sombre » encore et « plus féroce » que lui, dira-t-on. La rétrospective du Petit Palais embrasse pour la première fois l’œuvre de cet artiste d’origine espagnole qui fit sa carrière à Rome puis à Naples, et que l’on surnommait « lo Spagnoletto », le « petit Espagnol ». Grâce à un important travail de recherches mené depuis 2002 par Gianni Papi, l’historien de l’art spécialiste des peintres caravagesques, on découvre les œuvres des premières années du jeune prodige, au tout début du Seicento, dans la cité pontificale : une soixantaine de peintures ont rejoint le corpus de l’artiste. Ainsi, Le Jugement de Salomon ou Le Reniement de saint Pierre [lire p. 103], écho de la Vocation de saint Matthieu du Caravage, connues sous le nom de convention « maître du Jugement de Salomon », identifiées par Gianni Papi comme de la main de Ribera, se confrontent désormais aux chefs-d’œuvre napolitains de celui qui, d’après son biographe espagnol Antonio Palomino (1655-1726), « n’aimait pas peindre des choses douces et pieuses » : les Pietà, mais aussi la bouleversante femme à barbe berçant son enfant du Musée du Prado, le jeune infirme au pied-bot du Louvre, ou encore les terrifiants supplices des écorchés antiques ou chrétiens, qui firent aussi la réputation de Jusepe Ribera.
« Ribera, ténèbres et lumière »,
Petit Palais, avenue Winston-Churchill, Paris-8e, www.petitpalais.paris.fr

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°782 du 1 janvier 2025, avec le titre suivant : Les fleurs du mal de Jusepe Ribera

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