Joan Mitchell a vécu presque toute sa vie en France dans le pays impressionniste de Claude Monet. Deux ans après sa disparition, le Musée des beaux-arts de Nantes et la Galerie nationale du Jeu de Paume lui rendent conjointement hommage.
PARIS - Les collaborations d’institutions autour d’un même projet sont suffisamment rares pour que le fait mérite d’être souligné. A fortiori quand un musée, celui de Nantes, et un centre d’art, le Jeu de Paume, à Paris, décident de rendre hommage à une artiste aussi importante que Joan Mitchell. Le Musée des beaux-arts de Nantes, dirigé par Henry-Claude Cousseau, présentera les trente premières années de la généreuse production de l’artiste, tandis que le Jeu de Paume – fidèle au principe qui avait déjà prévalu pour Jean Dubuffet – exposera les œuvres de 1982 à 1992. Une grande exposition avait eu lieu au Musée d’art moderne de la Ville de Paris, voilà douze ans, à l’initiative de Suzanne Pagé, qui avait fait un choix dans les dix dernières années. Si la galerie Jean Fournier l’avait régulièrement présentée, cette reconnaissance officielle, pour remarquable qu’elle fut, pouvait apparaître bien tardive.
La réticence de Joan Mitchell vis-à-vis d’une rétrospective – "Je ne veux pas voir ma vie déroulée devant moi comme un album de photographie", disait-elle – n’avait pourtant pas découragé plusieurs musées américains d’en proposer une en 1988. Née à Chicago en 1926, où elle a suivi les cours du célèbre Art Institute, elle s’installe définitivement en France dès 1959 et meurt à Vétheuil en 1992. Entre temps, elle fréquente l’avant-garde new-yorkaise et fait la connaissance, en 1955, de Jean-Paul Riopelle, avec lequel elle partagera sa vie pendant plus de vingt ans.
Si elle est historiquement liée à l’Expressionnisme abstrait de ses aînés, Franz Kline et Willem De Kooning, dont elle était proche, son œuvre est inondée d’une lumière qui modifie sensiblement les données de l’esthétique de la première avant-garde américaine. Le geste, ample et lyrique, est bien l’une des principales caractéristiques de Joan Mitchell, mais les vifs contrastes de couleurs pures, qui coexistent sans précautions, sont bien la marque de sa profonde singularité.
"Ce qui m’excite quand je peins, confiait-elle à Yves Michaud, c’est ce qu’une couleur fait à une autre, et ce qu’elles font toutes les deux en termes d’espace et d’interaction." Dans ce sens, comme l’ont souligné plusieurs commentateurs, son art est bel et bien impressionniste, et recroise d’une façon très originale les traditions américaine et française. Parfois, l’exubérance radieuse de cette peinture laisse cependant transparaître une sourde angoisse : on ne saurait y voir seulement
une peinture ivre du bonheur de la liberté.
Joan Mitchell au Jeu de Paume jusqu’au 11 septembre, au Musée des beaux-arts de Nantes jusqu’au 26 septembre. Le catalogue comprend, entre autres, une analyse de Robert Storr et un long entretien de l’artiste avec Yves Michaud.
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Joan Mitchell, de Chicago à Vétheuil
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°5 du 1 juillet 1994, avec le titre suivant : Joan Mitchell, de Chicago à Vétheuil