Au Muhka, l’artiste californien livre une satire délurée de la société néolibérale américaine.
Anvers. Jim Shaw (né en 1952 à Midland, Michigan) aime les cheveux et les aspirateurs. C’est aussi un artiste qui pose un regard ironique et détaché sur la psyché américaine à travers le prisme de sa culture populaire. La psyché américaine ou l’éternel conflit entre l’individu et le système. Un individu qui se « sublime » et qui affirme son statut dans la sophistication de son architecture capillaire. Dans sa série de dessins « Forces of Nature », Shaw dessine ainsi des tourbillons et des explosions de cheveux proches de l’abstraction. Avec « Oism », un projet en cours, l’artiste imagine une secte pseudo-religieuse où l’individu se met en marge de la société pour créer son propre système en détournant l’aspirateur et d’autres ustensiles ménagers emblématiques de l’American way of life pour faire de la musique.
Dessinateur autodidacte inspiré par l’esthétique des comics tant réalistes que cartoonesques, il montre de nombreux dessins préparatoires à ses peintures où stars hollywoodiennes, personnalités politiques et personnages publicitaires sont convoqués pour dresser le paysage mental de l’Amérique qu’il soumet à la distorsion de son crayon. Dans un pays phagocyté par son industrie du divertissement, tout devient spectacle, de la consommation elle-même à la révolte, la peur, l’amour et la guerre. La création est alors une force régénératrice. Pour l’artiste lui-même, mais aussi pour toute personne qui a un jour décidé de prendre un pinceau, comme on peut le voir dans l’installation muséale Thrift Store Paintings. Dans cette collection en cours depuis les années 1970, Jim Shaw rassemble des peintures d’artistes amateurs achetées aux Puces. Paysages, natures mortes, nus, scènes surréalistes ou portraits de stars sont comme l’expression des pulsions subconscientes de ses semblables.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°629 du 15 mars 2024, avec le titre suivant : Jim Shaw, celui qui décoiffe l’Amérique