Jérôme Basserode, manège critique

« Quel est l’imbécile qui a quitté le monde des Lumières sans éteindre l’interrupteur ? » La question que pose Basserode ne manque pas de laisser perplexe. Elle a du moins le mérite de la formule surprise qui interpelle d’autant plus la pensée qu’elle est associée à la réalisation de ce que l’artiste nomme un « manège critique ». De quoi s’agit-il ? D’un véritable manège tournant, une construction relativement imposante sur laquelle sont suspendus deux squelettes de dromadaires en position de course lente mais sûre, que conforte le mouvement de rotation de l’ensemble et qu’accentue le jeu d’ombres projetées sur les murs. L’œuvre de Basserode – qui n’est pas sans rappeler certains dispositifs de Bruce Nauman – est fondée sur l’évocation duelle des deux entités civilisatrices de notre monde que sont l’Orient et l’Occident. Le premier est ici suggéré par la figure animale, livrée au regard dans sa brutalité anatomique, voire archaïque, le second par l’échafaudage savant du manège,     le jeu mécanique qu’il suppose. Produite selon les modalités assez rares aujourd’hui de la souscription, cette sculpture est une façon d’y associer l’autre dans une réflexion puissamment critique de nos modes de vie. Avec cette nouvelle pièce, qu’il envisage de décliner formellement selon le discours qu’il lui fera porter, Jérôme Basserode franchit une nouvelle étape dans la constitution d’une œuvre où le vivant et l’artificiel constituent les deux grands axes de sa démarche. Il en est encore ainsi d’une autre pièce, vidéo cette fois-ci, qui met en jeu deux mainates et un psychiatre, lesquels échangent une conversation à propos de l’environnement de ces volatiles dans le magasin où ils ont vécu et ce qu’ils ont pu en tirer en matière de communication.